Boudu sauvé des eaux par Maqroll
Un pur chef-d’œuvre, qui rappelle que, même avant Le Crime de Monsieur Lange, Renoir fut avant tout un cinéaste de gauche, mettant en avant les valeurs de l’anticonformisme et même de l’anarchisme, pour résumer, un cinéaste de la liberté. On connaît l’histoire par cœur : un clochard, dégoûté de la vie parce qu’il a perdu son chien, tente de se suicider en se jetant dans la Seine. Un libraire bourgeois qui couche avec sa bonne le voit de son balcon et, à la surprise de tous, se jette à l’eau pour le sauver puis installer chez lui ce drôle de paroissien qui le remercie en devenant tour à tour l’amant de la bonne puis de la maîtresse de maison. Pour sauver les apparences, on décide de le marier à la servante (après qu’il eût gagné 100 000 francs à la loterie) mais, par un retour aux sources plein d’humour, il fait chavirer l’embarcation de ses noces (toujours sur la Seine) et retourne à l’état de nature, jetant ses habits de noces pour endosser ceux d’un épouvantail. La mise en scène de Renoir est d’une modernité incroyable et le film n’a absolument pas vieilli. Les scènes d’extérieur notamment sont exceptionnelles, apportant un air de grand large et un souffle de liberté enthousiasmant. Dans le rôle titre, Michel Simon est énorme et confirme qu’il est un des plus grands comédiens de tous les temps. Dans celui du libraire, Charles Granval lui donne une réplique étonnante et la paire formée par le clochard et le bourgeois est une des plus insolites du cinéma. La fin est une pure merveille où Boudu, ivre de liberté, respire à pleins poumons l’air pur de la campagne sans regretter une seconde tout ce qu’il vient de laisser derrière lui. Un grand film qui n’eut aucun succès et ne fut reconnu à sa juste valeur qu’après guerre...