L’univers de Bounty Killer est incroyablement détonnant. Imaginez un monde post-apocalyptique à la Mad Max au ton complètement décomplexé mixant habilement le grindhouse et le western, avec pour personnage principal une pin-up explosive sortit tout droit du Faster, Pussy cat ! kill ! kill ! de Russ Meyer. Ajoutez à cela une dose jouissive de gore pour les scènes d’action, quelques séquences animées très réussit, du mélo bien dosé, et pour combler le tout, une galerie de personnages hétéroclites vraiment touchants et sympathiques et vous aurez alors une représentation plus que correcte du film de Henry Saine et Jason Dodson.


Adapté d’une série d’affiche et d’un roman graphique écrit et illustré par la même équipe du film (1), le duo décide de se lancer dans le long métrage pour donner vie à leur univers après avoir tenté l’aventure du court-métrage en 2011. Pour une production indépendante, on peut dire que les auteurs peuvent être fier de leur travail tant ils réussissent à merveille à palier à leur manque de moyen. Car à aucun moment ils ne semblent en manquer ! Les décors en extérieur sont superbement exploités et les cadrages resserrés sur les acteurs se focalisent essentiellement sur leur moment de bravoure.


L’animation s’incruste subtilement par instant pour donner plus de cachet à l’aspect visuel : des inserts didactiques représentant de plus grands décors comme des immeubles en ruine, des zones urbaines dévastées ou encore des cartes routières se superposant au paysage. Au début du film, une longue séquence d’animation à l’imagerie pop-art et accompagnée d’une voix off nous narre comment le monde est plus ou moins retourné à l’état sauvage. Ces petits détails et choix artistiques pour compenser la faiblesse de leur budget fait vraiment plaisir à voir !


L’ouverture du film, à la fois serialesque dans la démarche et ultra gore dans ses scènes de baston riches en hémoglobine et en viscères humaines, affiche très clairement les intentions du film tout en nous présentant les deux personnages principaux. Ce ton complètement décomplexé m’a incité à penser que Bounty Killer enchaînerait les scènes d’action trash les unes à la suites des autres alors qu’en fait pas du tout …


Là ou je pensais que le film allait aligner une succession de scènes hyper codifiées et ultra violentes tout en étant totalement jouissive, l’histoire est assez surprenante dans ses révélations et dans son déroulement et j’ai été particulièrement étonné par la qualité d’écriture opérée par les deux auteurs. Même l’histoire d’amour qui tourne autour des deux protagonistes trouvent une cohérence dans la construction dramatique !


Classique dans sa narration, les quelques flashbacks assez riche en révélation donc (qui renseigne autant sur les conséquences du monde dans lequel évolue les personnages que sur les personnages eux mêmes) apportent une densité surprenante à cet univers post apocalyptique. Bien écrit et plutôt bien réalisé, je me suis tout autant régalé face aux grosses giclées de sang et aux membres qui explosent à tout va après chaque coup de feu qu’au soin apporté à l’histoire, même si, en soit, elle n’a rien de transcendante. Je me suis donc laissé emporter avec beaucoup de plaisir sans être frustré de ne pas voir autant de chair et de baston comme le laissait entendre l’introduction … même si toute les vingt minutes environ, le film tient ses promesses en nous offrant d’efficaces scènes d’action aussi badass que jubilatoire.


Le casting est lui aussi impeccable. Si le protagoniste Drifter/Matthew Marsden manque un poil d’assurance et de charisme (et de vieillesse – sans trop spoiler – car il est un peu trop jeune quand on sait qu’il tient un rôle important sur les raisons de l’état de leur monde), tous les seconds rôles sont absolument parfaits et plutôt bien dirigés. On retrouve d’ailleurs de nombreux acteurs et actrices habitués aux seconds rôles décapants : l’inquiétant et impétueux Gary Busey (L’arme fatale, Point Break – extrême limite, Piège en haute mer), la plantureuse et impassible Kristinna Loken (Terminator 3, BloodRayne), ou encore l’imposant Abraham Benrubi, le géant Larry Kubiac de la série Parker Lewis ne perd jamais, qui a aussi joué dans Urgence. Même le porteur d’armes qui accompagne Drifter, Barak Hardley, qui ne convainc pas tellement au tout début du film en multipliant les gaffes lourdingues un peu trop machinalement, finira par trouver sa place au milieu de tout ses personnages et parviendra même à briller auprès de son acolyte dans la scène finale.


Mais la palme revient à la magnifique et super sexy Christian Pitre qui sublime l’écran à chacune de ses apparitions. Cette jeune inconnue (qui, je l’espère pour elle, ne devrait pas le rester longtemps !) possède de sérieux atouts de séduction. Quand je l’ai découvert dans la toute première scène avec sa tenue de pin-up, je me suis dit qu’elle portait les bas résilles comme Humphrey Bogart porte le pardessus : ce sous vêtement ne peut trouver meilleure ambassadrice ! Dans ses scènes d’action, Mary Death fait virevolter ses jambes et son corps avec une classe incroyable et une grâce foudroyante et totalement enivrante. Elle est une héroïne de fiction absolument réjouissante et son personnage pourrait aisément entrer dans la culture populaire : son interprétation tient autant de l’évidence que du miracle.


Si je devais définir sa plastique, elle serait un savoureux mélange d’Edwige Fenech pour le coté félin et incendiaire avec la classe et la sauvagerie d’une Kate Beckinsale dans les Underworld. D’ailleurs, s’il devait y avoir un Top 5 des plus belles action-girls de l’histoire du cinéma, elle serait à n’en point douté dans la liste. Son personnage de Mary Death incarne autant la pin-up parfaite et débordante de sensualité qui fait rêver les hommes que la femme indépendante, rebelle et romantique dans sa caractérisation. Elle n’est donc pas juste réduit à une belle image lisse et purement visuelle et possède une vraie personnalité avec d’authentiques désirs d’émancipation. En bref, un personnage aussi iconique qu’inoubliable !


Pour en revenir au film, si les couleurs, les logos, l’imagerie graphique et publicitaire américaine participe à l’esthétique du film – la couleur ‘jaune’ pour les méchants, plans fixes récurrents sur les marques, les visages et les poses suggestives de la délicieuse Mary Death, etc – je regrette juste le manque d’audace de la mise en scène. Il n’y a aucune faute de goût à dénoncer, ni un quelconque amateurisme mais j’aurais peut être aimé voir plus de risque, de délire et d’inventivité dans la forme, un peu comme le font les cinéastes asiatiques dans leur productions indépendantes (Tokyo Gore Police, Audition, Snake of June, etc). Mais c’est clairement la seule petite frustration que j’ai pu avoir car tout le reste est absolument parfait !


Et s’’il y a quelques facilités de scénario pour faire avancer correctement le récit vers la confrontation finale (Mary Death qui guérit diablement vite de ses blessures … le film souffre d’ailleurs de quelques problèmes liés à la temporalité !), le film tient en tout cas toute ses promesses de divertissement pur donc il serait malhonnête de soupirer pour ces petites imperfections qui n’enlève en rien tout le charme du métrage. ATTENTION SPOIL : De plus, le film finit sur la scène la plus réussit : aussi drôle que sanglant, le dernier affrontement est aussi hilarant que vraiment bien rythmé et Henry Saine fait preuve d’une grande imagination en utilisant à merveille le profondeur de champ quand débarque les compagnons du héros retenu prisonnier par son ex-femme (photo ci dessus ) ! FIN DE SPOIL


Tandis que le cinéma de genre hollywoodien mise tout sur le spectaculaire et que la société de Luc Besson Europa Corp pond encore et toujours les mêmes films autour du même scénario (quand il n’y a pas plagiat !), il est plutôt agréable de découvrir qu’il existe encore des petites productions de genre indépendantes de qualité qui s’assume en tant que tel, à une époque ou le genre est gangrené et galvaudé par les grosses productions (même si ces derniers temps, je sens une amélioration au vu des films sortis cette année) et financiers américains qui ne pensent qu’au fric et à la rentabilité …. on ne sera donc pas surpris que c’est aussi la toile de fond du film !


Bounty Killer est fun, sexy, trash, drôle, généreux et intelligent, et ça faisait très longtemps que je n’avais pas autant apprécié un film de série B. J’espère que le film trouvera son public et sa place au sein de la culture populaire car il le mérite amplement !

Mathieu_Babhop
7
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le 18 août 2016

Critique lue 315 fois

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