Témoignage touchant de l'enfance à notre époque

Unique en son genre, le film n'a compté que 39 jours de tournage mais répartis sur une durée de 12 ans. Un projet expérimental assez osé pour le réalisateur Richard Linklater, connu plutôt pour sa trilogie romantique Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight. Applaudis par la critique lors du Sundance 2014 , récompensé au festival de Berlin par l'Ours Blanc du Meilleur réalisateur, le film s’installe déjà comme un bijoux unique et incomparable.

On nous plonge dans le vie du jeune Mason de ses 6 ans à ses 18 ans, en temps réel. Les séparations, les déménagements, les remariages, les naissances, tout ce qui bouleverse la vie de cette famille normale. Mais aussi tout ce qui peut troubler l'enfance d'un jeune américain qui a grandi dans les années 2000. Ses questionnements, ses espoirs, ses premières fois, ses peurs et ses rêves d'avenir au cœur d'une réalité sociale et économique.

Avec au casting Ethan Hawke (le père) déjà familier avec le réalisateur, Patricia Arquette (la mère) et Lorelei Linkater (la soeur) qui est la propre fille du réalisateur. Enfin, fut la révélation d'Ellar Coltrane, qui aura investi douze ans de sa vie au seul personnage de Mason. Une aventure hors du commun pour ses acteurs, comparable à celle d'une franchise, revoyant également dans le film, défilé des moments de leur propre vie.

Ce film c'est l'expérience d'une vie dans lequel chacun risque de s’identifier. Ces histoires de familles, parfois drôles et sincères, d'autres fois, plus dramatiques et poignantes, ressortent une profonde franchise. Dans les difficultés affrontées par cette famille, toujours rapporté sans exagération et de manière optimiste pour l’avenir.
Retraçant tous les moments clés de la dernière décennie à travers l'univers de Mason. Son évolution graduelle et sans aucun trucages, reste fluide et sans montages ou fondue au noirs représentatifs. Tout ce fait dans ses changements physique d’abord (cheveux courts, long, rasé, et son look qui passe de skateur à indie rock) ; puis comportementale, dans sa manière de s'imposer et réfléchir par rapport au monde qui l'entoure. Son passage progressif et terrifiant à l'âge adulte, face à toutes les pressions sociales du lycée, les responsabilités professionnelles qui s'imposent à lui, et au milieu, ses rêves un peu naïfs de devenir photographe.


Malgré son origine fictionnel, Boyhood se démarque par son côté documentaire dans sa vision factuel et attaché au moment présent. Des événements importants de l’histoire sont alors capturé à l'instant présent, là ou d'autre films les auraient reconstitué. Par exemple, la sortie tant attendue du tome six d'Harry Potter, des références à Star Wars, ou d’autres icones populaires comme Lady Gaga. Mais également des faits sociaux et économiques importants comme la guerre en Irak et les conséquences du 9/11, l'arrivé à la présidentiel d'Obama contre McCain, ainsi que la réel difficulté économique des familles modestes à subvenir à leur besoins. Au milieu, l’évolution toujours affolante de la technologie, passant des consoles de jeux vidéo au dernier smartphone, nous montrant à quelle point ces machines sont omniprésente à notre époque et participent à nous voler notre temps si précieux.

Richard Linklater se permet également de dresser un portrait des mentalités de notre époque, parfois archétypes, à travers les différents milieux familiaux, du modeste à plus aisé suite aux remariages. L'exemple probant du père, au début, le rocker rebelle et irresponsable dans sa voiture de collection, finissant comme le père et mari modèle dans une famille très carré et très croyante (du premier amendement surtout). Le réalisateur nous montre l'évolution de ces personnages, mais aussi des acteurs, comme l'évolution des membres de sa propre famille.

Tout comme le film, la bande originale nous replonge dans une nostalgie musicale : en commençant par "Yellow" de Coldplay; des classiqes comme "She's long Gone" de Black Keys, et des titres des Beatles; le bon vieux "Wilco - Hate it Here" et "Hero" de Family of the Year et plus recemment "Gotye - Somebody That I used To Know", "Atlas Genius - Trojans", "Could We - Cat Power", sans oublier "1901 - Phoenix". Une réelle bande originale éclectique et au possible pouvoir de vous faire replonger dans vos souvenirs.

Un film qui permet d'avoir au final, un certain recul sur sa propre vie, et celle des acteurs en parallèle. Permettant de se demander, si on était tous amené à revoir sous forme de film nos dix dernières années, les choix faits et les erreurs qu'on aurait pu éviter. De voir qu'en douze années d'évolution pour cet enfant, qui paraissent longues en durée, filent à une vitesse incontrôlable. Et c'est ça qui rends le film unique et intéressant, le temps qui passe modélise notre expérience de la vie. Le temps est donc la notion clé du film, comme étant expliqué : Ce n'est pas à nous de saisir l'instant présent, mais c'est lui qui nous saisis sans qu'on s'en rende compte.
CelineLacroix
9
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le 25 juil. 2014

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LeCiné Calorix

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