un monde familier, une expérience magnifique - critique par le blog du cinéma
Boyhood s’est sans doute heurté à de multiples obstacles durant sa réalisation et sa production. Il aurait très bien pu ne jamais voir le jour, pour d’évidentes raisons. Seulement voilà, toutes les faiblesses qui dans les mains d’un autre seraient fatales au film deviennent des forces, des parts entières de celui-ci quand Richard Linklater est derrière la caméra. En 2002, l’auteur-réalisateur à l’origine du sublime Before Sunrise se lance dans un projet d’une ambition folle, une étude de la vie à travers des acteurs filmés par intermittence chaque année pendant douze ans. En 2014, le projet est concrétisé et se voit récompensé à Berlin et Sundance. Reste à voir s’il s’agit d’un film se reposant seulement sur un concept ingénieux, ou une œuvre intelligente et mature qui parvient à transcender son idée.
En effet, le concept même de BOYHOOD était sans doute le plus grand piège dans lequel pouvait tomber Richard Linklater. Il aurait pu donner un film prétentieux, pompeux, empli de mauvaise symbolique et de « retour dans le passé/projection dans le futur ». Mais le réalisateur évite tout cela et livre un film d’une simplicité renversante. Nous verrons une famille grandir, se séparer, aimer, vivre, chronologiquement et sans artifices. La vie selon Richard Linklater est d’une beauté ahurissante, de celle qui vous arrache un sourire niais lorsque les lumières se rallument, de celle qui vous donne envie de ne jamais quitter l’univers mis en place. Même lorsque les personnages subissent des séparations ou des déceptions, le metteur en scène pose son regard bienveillant sur cette famille ; la chronologie totalement maîtrisée nous fait bien vite relativiser ces problèmes pour se focaliser sur le positif. L’écriture sert totalement le montage, et si l’on sent une improvisation bienvenue pour certaines scènes, on ne peut qu’applaudir le choix de l’auteur de toujours prendre le spectateur à contre-pied. Sur un film racontant la vie d’un garçon de 6 à 18 ans, on peut s’attendre à voir les premières déceptions, le premier baiser, la première fois, la première soirée, le premier événement dramatique. Eh bien non, le réalisateur vous mettra devant le fait établi, et évite le voyeurisme presque inévitable avec ce genre de concept pour passer sous silence la plupart des moments considérés comme des étapes majeures de la vie. Ce qui l’intéresse, ce sont les petits riens. Les petites conversations sans incidence apparente. Les couples qui se font et se défont. La vie, tout simplement. Rien d’étonnant donc à ce que l’attachement aux personnages soient si forts. Ils sont tous vivants, ils ont tous quelque chose, on les a vus grandir et évoluer. Les quitter est aussi difficile que de quitter le couple Jesse/Céline à la fin de Before Sunrise, on aimerait rester des heures de plus avec eux. Mais Richard Linklater demeure fidèle à ses thématiques, et le spectateur, à son échelle, est lui aussi victime du temps qui passe.
Le reste de la critique, sur Le Blog du Cinéma