Richard Linklater semble être un cinéaste du temps qui passe. Si les rappels à Tarkovski ou plus proche Wes Anderson sont assez loin, les préoccupations restent similaires. La fonction de la durée est une expérience universelle lorsqu'on parle cinéma, tant du point de vue actif artiste que passif spectateur. Il y a une nostalgie certaine chez le cinéaste américain notamment dans le triptique amoureux Before.... Nostalgie d'une construction individuelle, amour passé, présent, futur. Boyhood ne déroge pas à la règle et dépeint sur douze années une famille middle class recomposée.

Comme le titre l'indique, le film fait la chronique du petit Mason de ses 6 ans à sa majorité en balayant aléatoirement une quotidienneté. La petite Lorelei Linklater qui n'est plus si petite, a démarré ce projet d'une énergie époustouflante. Quant à Ellar Coltrane, c'est moins évident. Il se laisse aller à la direction d'acteur en obéissant au ordres du cinéaste. Plus en retenu ou inhibition enfantine, son rôle est tout autant touchant. Nous sommes plongés au coeur d'une famille qui pourrait être la nôtre, si nos parents nous ont fait un peu trop tôt et ont suivi des chemin de vie divergents. Aucune trame narrative autre que l'évolution physiologique des personnages.

Malgré plusieurs flous qui contribuent à l'aspect amateurisme des homemade films de famille et une image au grain et à l'aspect différent en fonction des périodes, l'ensemble est fragile et ne tient qu'à un fil, celui des personnages. Jamais il ne se casse, mais certains longs dialogues excitent ma jambe qui au bout de 2h devient douloureuse. J'ai décroché avant la dernière demi-heure et les fourmis ont gagné ma nuque. "C'est passé beaucoup trop vite" nous avoue Patricia Arquette. A force d'arbitraire et du personnage principal manquant un peu de caractère, je serai enclin à la contredire. Mais néanmoins, outre l'expérience étonnante, la nostalgie nous gagne, non sans quelques difficultés.

La musicalité rythme les temporalités et résonne au creux de nos propres , souvenirs, ainsi que l'histoire. Ce ne sont que bribes dans les 2h45 et auraient mérité une plus grande attention. Je n'ai pas l'impression qu'un scénario a délimité les ambitions du réalisateurs qui se perdent au travers de douze années passées ici et là à revenir sur des entités brillamment interprétées. Conséquence, une perte d'objectivation au profit d'une sélection relativement hasardeuse d'événements. Le mérite aura été de rejeter l'intellectualisation de son propos.

La vie est ainsi faite, de succession in-sensées, de choix dé-raisonnés. Le coeur a sa raison que la raison ignore. C'est plus qu'un film, plus qu'un album de famille ou que le portrait d'une adolescence, c'est le tableau de plusieurs mémoire, une reconstitution empirique qui fait du souvenir un emblème quasi-politique. Plus sur le contexte que sur les personnages, bien que les deux soient liés.
Léon_Leblon
7
Écrit par

Créée

le 12 août 2014

Critique lue 421 fois

Léon Leblon

Écrit par

Critique lue 421 fois

D'autres avis sur Boyhood

Boyhood
Sergent_Pepper
7

Un rêve : l’histoire du temps.

Boyhood fait partie de ces films à concept qui prennent un risque majeur : se faire écraser par lui en s’effaçant derrière cette seule originalité. Suivre pendant 12 ans les mêmes comédiens pour les...

le 18 janv. 2015

98 j'aime

9

Boyhood
Rawi
7

12 years a child

En préambule, je voudrais pousser un coup de gueule ! Depuis le temps que j'attends ce film, je n'étais plus à une quinzaine près mais ayant l'opportunité de le voir en avant première, je me rends...

Par

le 23 juil. 2014

88 j'aime

39

Boyhood
guyness
7

Une vie de mots, passants

Quand on lance un film expérimental de 2h46 avec une pointe d’appréhension, l’entendre s’ouvrir sur du Coldplay fait soudain redouter le pire. Faut dire que j’arrivais sur un territoire d’autant plus...

le 18 janv. 2015

82 j'aime

17

Du même critique

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?
Léon_Leblon
1

...pour se coltiner 20 semaines un "film" pareil?

Devant l'euphorie quasi général et les 10 millions d'entrées, je cède et ma curiosité devient motivation à franchir le pas vers ce qui m'est apparu dans la bande annonce comme étant un ramassis de...

le 20 août 2014

4 j'aime

Le Rôle de ma vie
Léon_Leblon
2

Wish I Was There (Far Far Away)

10 ans ont suffit à la régression. Après le formidable Garden State, Wish I Was Here s'érige au panthéon des parental reconciliation stories. En empruntant la police de caractères de The Descendants...

le 21 août 2014

3 j'aime

1

Black Coal
Léon_Leblon
3

Au pays où les somnolents sont rois

La presse française semble aveuglé par la prestigieuse récompense et s'accorde au film noir. Suis-je bête? Inculte? Ou tout simplement hermétique à la culture chinoise? Comme les...

le 20 août 2014

2 j'aime