Boyhood. Où commencer pour parler d’un tel milestone dans l’histoire du cinéma ? Ne serait-ce que pour le processus de création, le film de Richard Linklater ne méritait que notre respect éternel.
En effet, filmer quelques scènes toutes les années pendant douze ans la jeunesse d’un gamin dans une famille recomposée, tout en gardant les mêmes acteurs pour qu’ils vieillissent de manière réelle et que cela se retranscrive sur l’écran, c’est une idée de génie. Mais encore faut-il que Richard Linklater ait des choses à raconter et qu’elles paraissent réalistes et/ou intéressantes. Quand on voit Dazed and Confused, on pouvait être particulièrement inquiet, tant le film est vide. Heureusement, Boyhood est quasiment son contraire, aussi riche que passionnant, émouvant et tout simplement fabuleux.
Richard Linklater construit son film d’une manière virtuose, sans avoir besoin de donner des dates pour situer la jeunesse de Mason Jr. Seuls quelques indices comme une fille qui chante du High School Musical dans une cuisine, Mason Jr. qui joue à la DS ou qui écoute du Soulja Boy servent pour situer temporellement la séquence. Les personnages évoluent avec le temps, pas seulement les enfants (excellents Ellar Coltrane & Lorelei Linklater) mais aussi les parents, géniaux Patricia Arquette et Ethan Hawke, qui doivent absolument gagner l’Oscar pour leurs prestations. Voir Ethan Hawke essayer de parler avec ses enfants qu’il ne voit que le week-end ou Patricia Arquette faire avec les moyens du bord pour élever la fratrie est un délice pour les yeux et ne peut que rappeler des souvenirs d’enfances à chacun d’entre nous.
En effet, si très peu de spectateurs ont vécu une enfance aussi compliquée que les Coltrane, ceux-ci passent par des moments par lesquels nous sommes tous passés ou presque : la première rupture, les voyages en voiture, la perte d’amis très proche, les parents un peu absents car débordés par le travail… Tous ces passages sont traités avec une justesse impressionnante, sans jamais tomber dans les bons sentiments ou le tire-larmes, par un réalisateur qui montre à quel point il a mûri en 20 ans. N’importe qui aurait loupé la séquence où Ethan Hawke remercie Patricia Arquette d’avoir ”élevé ses enfants”. Pas Linklater, pas ici. Ajoutez-y un supporting cast excellent, un refus de rendre Mason Jr. héroïque ou simplement sympatique et une mise en musique sans faute et vous avez un des chefs d’œuvre de l’année 2014.
Bien sûr, tout n’est pas parfait dans Boyhood. On pourra toujours critiquer le fait que l’alcool soit la cause de deux divorces chez les Coltrane, qu’Olivia ne sache pas choisir ses compagnons ou simplement que le film soit trop court, mais ces quelques défauts ne peuvent être franchement comptabilisés dans ce qui est un des films les plus forts et les plus importants de ces dernières années. Boyhood est un film à voir absolument, un projet que bon nombre d’entre nous n’auraient jamais imaginé avoir la chance de voir ça de notre vivant.