Sur le papier, Boyhood ne paie vraiment pas de mine, énième chronique familiale comme on en voit souvent. Mais c'est par sa conception atypique que le nouveau film de Richard Linklater, cinéaste expérimental s'il en est, tire son épingle du jeu.


Poussant le concept de sa trilogie Before dans ses derniers retranchements, Richard Linklater a l'idée en 2002 de tourner un film sur une période de douze ans, avec le même casting qu'il retrouvera périodiquement pendant quelques semaines de tournage et avec qui il retravaillera un scénario malléable à loisir. Un projet ambitieux et complètement dingue, repoussant une fois encore la frontière entre fiction et réalité, pour un résultat plus que troublant.


En effet, impossible de ne pas être troublé devant un long-métrage nous permettant de suivre non plus simplement l'évolution des personnages, mais carrément celle des acteurs les incarnant. Comme si nous assistions à toute une vie résumée en moins de trois heures, avec ses hauts et ses bas, ses joies comme ses peines. Mais loin d'être un simple exercice de style, Boyhood parvient heureusement à toucher au coeur, de par sa simplicité et son honnêteté.


Immense fresque familiale aussi intimiste qu'universelle, Boyhood ne raconte rien d'autre que la vie, la vôtre, la nôtre, celle des autres, celle de tout un chacun. Avec pudeur, émotion et humour, le film de Richard Linklater nous familiarise avec des protagonistes furieusement attachants incarnés par un casting confondant de naturel, qu'il s'agisse de comédiens professionnels et reconnus ou pas. Des personnages simples mais parfaitement croqués, dont nous est offert l'occasion d'assister à leur évolution, qu'elle soit physique, psychologique ou sociale.


Derrière sa simplicité, Boyhood permet également à son auteur d'esquisser une étude intéressante sur les liens filiaux, sur notre rapport aux autres, tout en dressant le portrait amer et désenchanté d'une Amérique sur plus de dix ans, passant d'un conflit à un autre sans se soucier une seconde des répercussions sur les citoyens, à l'image de ces soldats ayant risqué leur vie pour un pays ne leur offrant en retour qu'un job minable et des illusions perdues.


Incroyablement ambitieux par sa conception mais d'une modestie proprement touchante dans ce qu'il a à dire, Boyhood est une chronique douce-amère sur le temps qui passe, qui offre le plus beau des spectacle: celui de la vie dans ce qu'elle a de plus simple.

Gand-Alf
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Gand-Alf and Emma Peel's Excellent Bluraythèque., Instant cinéma 2015., Les meilleurs films de Richard Linklater, 2014. et Les meilleurs films de 2014

Créée

le 30 mai 2015

Critique lue 2.8K fois

63 j'aime

3 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

63
3

D'autres avis sur Boyhood

Boyhood
Sergent_Pepper
7

Un rêve : l’histoire du temps.

Boyhood fait partie de ces films à concept qui prennent un risque majeur : se faire écraser par lui en s’effaçant derrière cette seule originalité. Suivre pendant 12 ans les mêmes comédiens pour les...

le 18 janv. 2015

98 j'aime

9

Boyhood
Rawi
7

12 years a child

En préambule, je voudrais pousser un coup de gueule ! Depuis le temps que j'attends ce film, je n'étais plus à une quinzaine près mais ayant l'opportunité de le voir en avant première, je me rends...

Par

le 23 juil. 2014

88 j'aime

39

Boyhood
guyness
7

Une vie de mots, passants

Quand on lance un film expérimental de 2h46 avec une pointe d’appréhension, l’entendre s’ouvrir sur du Coldplay fait soudain redouter le pire. Faut dire que j’arrivais sur un territoire d’autant plus...

le 18 janv. 2015

82 j'aime

17

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

208 j'aime

20