Bien meilleur qu'il n'y parait

L'affiche et les sous-titres sont plus que trompeurs et le distributeur a en ce sens commis une véritable faute professionnelle, laissant croire au spectateur qu'il s'agirait là d'un film d'action, avec courses poursuites et fusillades à la clé, alors qu'il n'en est absolument rien.
Le propos délivré est en effet bien plus subtil et la mise en scène à la fois inspirée et réaliste permet justement au film de se distinguer à la fois des séries B d'action vulgaires et convenues mais aussi des "polars à la Marchal", stéréotypés et faisant toujours appel aux mêmes mécaniques scénaristiques.
"Braqueurs" porte en réalité bien son nom et n'est pas, contrairement à ce qu'affirment la plupart des internautes, un "film de braquages" inspiré d'un quelconque "Michael Mann", mais davantage un film quasi documentaire nous présentant la vie (ou plutôt la "non-vie") de protagonistes accros à l'adrénaline.
L'interprétation de Bouajila est ici magistrale et participe pour beaucoup à la crédibilité et à la portée dramatique de l'ensemble.
La mise en scène particulièrement inspirée parvient à créer du spectaculaire, non pas en abusant d'effets de style prétentieux et de gros plans sur des personnages prenant des poses improbables avec leurs deux flingues, mais au contraire par son réalisme, son aspect brut et la crédibilité des situations proposées.
Preuve en est avec ce passage entièrement tourné en plan séquence, où Bouajila traverse une cité à Sevran pour libérer sa mère prise en otage. Probablement la scène la plus impressionnante qu'il m'ait été donnée de voir dans un film français ces dernières années.
Seules les interprétations du (faux) rappeur Kaaris et de son "homme de main" sont réellement à déplorer, la production aurait tout à fait pu privilégier de réels comédiens pour incarner des banlieusards ou des trafiquants (Cassel !?).
Le fond du film et le message proposé sont cependant dignes d'intérêt et font froid dans le dos, les protagonistes, aussi professionnels et discrets soient-ils, ne pouvant par aucun moyen échapper à la spirale de violence déclenchée par l'erreur grossière commise par le petit frère de Bouajila (quel abruti...).
Les répercussions sur leurs proches seront en effet dramatiques et irréversibles, le film ne faisant en ce sens absolument pas l'apologie du "métier" de braqueur (contrairement aux Mann ou autres productions racoleuses...), mais nous présentant au contraire des personnages humains et faillibles dont la vie n'est pas souhaitable.

Bref, une très belle surprise et l'un des meilleurs films français que j'ai pu voir cette année.
Il est dommage qu'une telle erreur marketing l'empêchera sans doute de trouver son public, les bobos formatés aux Marchal et les ados adeptes de la gesticulation stylisée n'y trouveront probablement pas leur compte.