♫ A trois... A quatre... Tu braques et tu raques... ♪

Je m'estime bienheureux, et surtout chanceux, d'avoir pu voir un film tel que Braqueurs dans un cinéma... Même presque deux mois après sa sortie nationale.


Mais avoir pu l'apprécier dans une salle totalement vide, qui plus est lors de la fête du cinéma avec ses quatre menus euros la place, en dit long sur les attentes du public actuel, comme sur le système français du cinéma dans son ensemble, qui étranglent de plus en plus le film de genre entre ses sempiternelles comédies rances et quelques oeuvres d'auteurs cul-coincé, condamnant ainsi cette frange de longs métrages à l'infamie et un anonymat honteux, ou à une exploitation en direct to VOD lamentable.


Aller voir Braqueurs pourrait ainsi passer pour un acte de foi, une forme de résistance, une manière de dire un truc du genre "Marre de ce que vous nous filez sur les écrans", le tout adressé à des producteurs frileux ou des réalisateurs paresseux qui recyclent les bas morceaux de rires crétins.


Car Braqueurs ressemble méchamment au dernier de son espèce. Une espèce qui ne tend pas à copier le film américain de braquage, à glamouriser la violence et à faire des gunfights des morceaux de bravoure indépassables. Le merveilleux Heat s'en charge très bien. Il n'emprunte pas plus le chemin qu'a débroussaillé Olivier Marchal, avec ses flics rincés, son code d'honneur, ses voyous à l'ancienne et son ambiance grise et dépressive.


Non, Julien Leclercq opte pour une troisième voie tout aussi payante que les deux autres : introduire ses personnages dans un réalisme assez froid et distancié, qui décrit des faits et des actes sans porter de jugement sur les protagonistes. Comme le Jean-François Richet du diptyque sur Mesrine ou, il n'y a pas si longtemps, le Nicolas Boukhrief du Convoyeur.


Leclercq dégraisse son récit, tend vers l'épure, met en scène de vrais gueules de cinéma, le monolithique Sami Bouajila en tête, véritable chef de meute et chef de famille intransigeant. Son personnage se lance dans une véritable fuite en avant haletante, suivant une mise en place familiale et hiérarchique nécessaire à la définition des enjeux du récit. Leclercq pose sur la banlieue et ses trafics un regard lucide mais neutre, préférant scotcher son spectateur tant le rythme de Braqueurs assure un intérêt de tous les instants.


Le film traite aussi avec justesse des métastases de cette violence qui fracture les familles et enlève les êtres chers. A ce titre, le personnage de Guillaume Gouix se montre le plus représentatif dans ce que l'on peut perdre. Car aucun des personnages ne sort indemne de cet affrontement braqueurs / dealers presque sans arbitre.


Julien Leclercq a tout bon : sa caméra dynamique colle aux basques de ses personnages de manière frénétique, sans pour autant verser dans le spectaculaire gratuit. Efficace, excellent à faire monter et maintenir une tension constante, Braqueurs séduit immédiatement et passe comme un souffle, identique à celui des balles qui sifflent aux oreilles, à celui qu'on retient devant une violence sèche et sans concession.


Behind_the_Mask, le calibre à la main.

Behind_the_Mask
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2016 et Les meilleurs films français de 2016

Créée

le 26 juin 2016

Critique lue 1.8K fois

32 j'aime

4 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

32
4

D'autres avis sur Braqueurs

Braqueurs
EricDebarnot
6

Série B

On aimerait que le cinéma français produise plus, beaucoup plus de films comme ce "Braqueurs" : ce serait alors une belle preuve de vitalité, sans même parler du soulagement que nous ressentirions...

le 25 févr. 2017

17 j'aime

4

Braqueurs
GuillaumeBegue
7

"C'que tu fais ça vaut [6/10], moi j'te file [7/10]... parce que t'es [français] !"

Vous savez ce qui est triste dans le cinéma français ? Le fait que 80% de sa production concerne les drames et les comédies (NO JOKE)... Dés qu'un réalisateur français essaie de sortir de ce cadre il...

le 26 mai 2016

9 j'aime

5

Braqueurs
dagrey
6

Fourgon blindé

"Braqueurs" raconte l'affrontement entre 2 gangs. L'un spécialisé dans les braquages dirigé par Yanis, expert dans l'attaque des fourgons blindés, l'autre dirigé par Salif, un truand de Sevran dont...

le 9 mai 2016

8 j'aime

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

181 j'aime

23