Brazil est le troisième film indépendant de Terry Gilliam, après Jabberwocky (1977) et Bandits, Bandits (1981). Un long-métrage d'anticipation aux effluves kafkaïennes qui met en scène Sam (Jonhatan Pryce), un employé du Ministère de l'Information, qui suivra par amour et rêverie une jeune femme révolutionnaire prénommée Jill (Kim Greist).


Terry Gilliam réussi à travers ses films à mettre le spectateur dans l'ambiance très particulière du monde qu'il décrit. Dans Brazil on assiste à un univers futuriste où la bureaucratie prend une place prépondérante, et où les rues sont dévastées et grises, étriquées et sombres. En limitant les explications, Gilliam nous plonge dans ce monde sans nous laisser le temps de nous interroger sur sa nature.


Une fois la scène d'exposition passée, on est propulsé dans un ailleurs où l'on ne s'étonne plus de rien. On observe avec plaisir la compilation d'éléments absurdes, tant à travers la société qu'il dépeint que sur des détails névrotiques instaurés par les personnages. Une absurdité moulée par l'influence de l'humour anglais et qui prend tout son sens dans le cadre de l'anticipation.


Dans cette ville futuriste, plusieurs classes s'opposent et sont troublées par des attentats terroristes des opposants au gouvernement. Gilliam nous laisse le temps de s'installer, de découvrir le monde, le personnage et ses enjeux, ainsi que la teneur onirique du film. Un temps qui devrait servir à connaitre le caractère des personnages et à éprouver quelques sentiments pour eux. Or, et c'est là que se pose le premier problème de ce métrage, la définition est manquante, particulièrement sur le personnage principal que le spectateur souhaiterait apprécier sans avoir les informations nécessaires pour le faire. Sam est loin de plaire. Sans ambition et quelque peu vide, il se raccroche à l'un de ses rêves dans lesquelles apparait une demoiselle qu'il fera tout pour retrouver. Un objectif quelque peu simpliste qui l'entraine dans une espèce de névrose obsessionnelle vaguement érotomane.


Ayant assistée à une erreur judiciaire, Jill, la fameuse héroïne des rêves du protagoniste, essaie de rétablir la vérité tout en prenant des grands risques pour sa sécurité. Elle ne tarde pas à s'attirer les foudres du gouvernement qui, en raison de l'utilisation de machines, ne reconnait pas l'erreur humaine.


Sam essaie alors de la secourir, et l'on a du mal à se rattacher à ce nœud dramatique tant le danger n'est pas palpable. C'est alors que le rythme du film s'accélère pour devenir véritablement nerveux. Sans laisser le temps de reprendre son souffle, la réalisation nous entraine dans les dédales de la ville, entre une course-poursuite paranoïaque et de multiples explosions. La bande son est gorgée de cuivres, propulsant l'impression dramatique en permanence et laissant le spectateur pantois tant le danger manque cruellement d'apparence. L'ambiance est irrespirable un long moment et l'on cherche son souffle dans la mise en scène effrénée du réalisateur. La rapidité à travers laquelle les péripéties surviennent entrainent une antipathie pour le personnage, tant son obsession semble irréelle et injustifiée.


Il était pourtant celui auquel on devait se raccrocher, les personnages secondaires manquant cruellement de fond. Un élément que l'on peut également reprocher à l'histoire, dont on a du mal à comprendre l'objectif et qui s'installe avec lenteur et sous-exploitation.


La fin est un peu décevante, empilant les Deus Ex-machina qui viennent justifier le twist final, dont on saurait se passer tant l'univers qui caractérise les deux personnages est un puits de folie insondable.


On retiendra une belle ode à l'absurde, des décors dystopiques incroyables, et des envolées oniriques qui caractérisent le cinéma de Gilliam. Un exercice qu'il maitrisera à la perfection à travers son film The Zero Theorem, sorti en 2014.

Evalia
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le 27 oct. 2015

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