Breakfast Club est souvent désigné comme le teen-movie culte des années 80, fait par le papa même des teen-movies, John Hughes. Aura intemporelle, étiquette qui lui colle à la peau quand bien même le film tentait à la base de s'en défaire, Breakfast Club reste en effet à ce jour un modèle du genre, ayant autant su sortir du schéma de ses prédécesseurs qu'inciter tous les films sur des ados pour les ados venus après lui à suivre le sien.


Quand on regarde Breakfast Club, on sent cette ambiance éminemment 80's comparable à aucune autre, et c'est ainsi que le film s'élève à la fois au rang de miroir ultime de la décennie qu'à celui d'objet cinématographique confectionné de toute pièce par cette dernière : d'où la réputation sacramentelle qu'il expose depuis sa sortie. Un effet à la fois immédiat et éternel, absolument ancré dans son époque, et absolument programmé pour survivre à toutes celles qui suivront.


Et quelle dut être la claque reçue par les spectateurs – et surtout, les spectateurs adolescents – au sortir des premières projections ? Breakfast Club se manifeste comme une production à contre-courant de toutes celles qui pullulaient dans les années 80, teen-movies souvent irréalistes, s'enfermant dans des formatages redondants et mécaniques. Le pouvoir du cinéma, c'est sa capacité à refléter son époque, à capter ce qui la définit, et, tout particulièrement, à renvoyer une (illusion) de vérité à ceux qui lui tendent la main et lui offrent leur confiance.


Car c'est une histoire de confiance, et, qui plus qu'un adolescent (je l'affirme parce que j'en suis) a besoin d'accorder sa confiance et de regagner la sienne – quelle scène ne le représenterait mieux que celle où nos cinq amis sont réunis en cercle et se confient les uns aux autres – ? Quand on va voir un film, qu'on se sent concerné par son sujet, et dès lors qu'on s'y intéresse, on lie un pacte avec celui-ci, espérant qu'il sera à la auteur, qu'il représenta avec le plus d'authenticité possible ce que nous vivons nous-mêmes.


L'authenticité, c'est ce qui fait de Breakfast Club un si beau et grand film. Sa capacité à savoir parler à des générations d'adolescents, ou a des générations d'adultes qui se souviennent encore ce que c'était d'en être un. Ce sentiment qui nous prend quand les mots de ses personnages résonnent en nous comme un coup porté au cœur, faisant échos à toutes nos douleurs enfouies, aux plaies encore béantes, quelques part en nous. Des bleus à l'âme.


Ce que John Hughes est parvenu à faire avec Breakfast Club, c'est de donner aux gens ce qu'ils avaient besoin de voir, lui dont l’œuvre s'est tant tournée vers cette étape de l'existence où tout changeait sans qu'on le veuille vraiment. Et c'est justement la raison pour laquelle il a aussi bien réussi le défi qu'il s'était lancé. Parce qu'il connaissait si bien le genre dont il était alors la pièce la plus fervente.


Et s'il est un film sur l'adolescence, Breakfast Club est aussi un teen-movie sur les teen-movies, un objet méta qui s'inscrit dans une lignée bien (pré)définie, ayant juste emprunté une ligne parallèle. Qui mieux que John Hughes aurait su observer ce genre à la loupe, le décortiquer devant nos yeux avec une connaissance intrinséque aussi conséquente ?


C'est ainsi parce qu'il part des clichés les plus utilisés dans ce type de films – les cases et catégories dans lesquelles l'intrigue s'installe et faisant que leur structures peuvent être aussi similaires – qu'il parvient dans un second temps à les déconstruire. Au départ, Breakfast Club commence comme n'importe quel autre teen-movie d'alors, utilisant une série de personnages typiques, modèles préfabriqués du microcosme lycéen américain de base, stéréotypes ambulants au réalisme hyperbolé : le sportif, la reine de promo, l'intello, le rebelle et la freak.


Véritable mise en abîme, contant autant la déconstruction d'un genre par la mise à nue progressive de ses pantins que celle d'adolescents en pleine détresse – qui serviront eux-mêmes de modèles/miroirs à de vrais adolescents – Breakfast Club fait la liste des poncifs les plus éculés avant de les détruire un à un, quand les apparences sont défaites, que les masques tombent, et qu'apparaît enfin cette zone de gris humaine et non-répertoriée, prouvant qu'un être humain comme un personnage ne peut se réduire à une seule définition, mais qu'il est un mélange équilibré de chacune d'entre elles.


Quand les personnages de Breakfast Club disent devoir obéir à des codes particuliers, inhérents à leur « rang social » dans le lycée – cet espèce d'essentialisme fataliste qui les poussera à devenir des prolongements de leurs parents –, on peut les entendre symboliquement déchiqueter le costume fictif qu'ils ont trop longtemps porté, devenant des représentations plus ou moins réalistes de tous les spectateurs qui les regardent, et qui rêvent d'être confrontés à des role models moins idéalisés et formatés.


La pression ressentie par les personnages à être qui l'on veut qu'ils soient et tels qu'on les projette – crevant l'écran dans certaines scènes emblématiques bouleversantes – est la raison-même de l'impossibilité pour eux (et pour n'importe qui) de répondre à la question posée au début du film par Vernon, « Qui pensez-vous être ? », car Breakfast Club s'évertue tout du long à prouver qu'il serait absurde et réducteur d'y répondre, que l'on est une combinaison complexe et complémentaire à la personnalité indéfinissable, et que les personnages aussi ne doivent pas être sous-estimés, qu'ils méritent également davantage d'attention.

Lehane
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le 17 août 2015

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