Il faut remettre les choses dans le contexte. En 1995, Lars Von Trier, tout juste converti au catholicisme, fondait le Dogme95 avec son compatriote danois Thomas Vinterberg. Après avoir connu le succès précédemment, il signe le scénario de Breaking the Waves. Je connaissais de nom de Lars Von Trier car en 2000 sortait Dancer in the Dark, Palme d’Or et Prix d’Interprétation Féminine pour Björk à Cannes, joli succès en France – il a dépassé le million d’entrées -, ainsi que onze ans plus tard le scandale sur la Croisette qui l’a enfoncé et n’a plus besoin d’être résumé. Comme je l’ai déjà dit dans un autre article sur mon site, Trier, comme Truffaut, aime travailler avec de jolies actrices, et il va collaborer avec les plus talentueuses (Nicole Kidman pour Dogville, Charlotte Gainsbourg pour Antichrist, Kirsten Dunst pour Melancholia,…) et n’hésite pas à lancer une inconnue comme Emily Watson, venue du théâtre, dans la fosse aux lions pour tester sa force devant une caméra. Sans le savoir, Emily Watson venait de décrocher le rôle qui allait changer sa vie… Elle n’avait même pas 30 ans.
Il y a eu un premier visionnage du film sur Youtube en 2012 et j’ai dû abandonner car je n’étais pas encore prêt. Puis, récemment, je m’y suis de nouveau intéressé et j’ai emprunté la B.O du film à la médiathèque, et c’est comme ça que j’ai découvert deux morceaux qui m’accompagnent sur mon MP3, à savoir Suzanne de Leonard Cohen, et surtout le très stimulant Hot Love de T. Rex. Et enfin, j’ai décidé de faire le grand saut de ce qui semblait être le premier visionnage d’un film de LVT. Bon… Allons-y !
Selon le résumé et l’analyse de mon Dictionnaire de Cinéma, ça parlait d’amour absolu et fou, de sacrifice, de sainteté, de folie, de déchéance et j’étais préparé à voir de la Religion partout. L’analyse n’a pas menti ! Jamais un mélodrame évangélique n’avait été aussi puissant et destructeur comme la passion qui allait unir Bess et Jan ! Qu’est-ce qu’on y apprend ? C’est un film douloureux, étonnant, déchirant, original. Ça va paraître bizarre, mais les images extérieurs de cette inhospitalière île de Skye, en Ecosse (plus au niveau de ses habitants que de la nature elle-même), ainsi que les décors intérieurs où a été tourné le film me donnaient l’impression de ne pas le regarder devant ma télévision en 2021, mais en 1996 dans la salle 2 du Calvi, le cinéma dont j’ai parlé dans une liste Sens Critique (voir ma liste Chaque fois que je repense au Calvi, je ressens une chose étrange…), soit presque 25 ans en arrière !
Et Bess est marginalisée par la petite communauté religieuse car ils découvrent en elle un cœur sombre au lieu d’être pur, alors leurs amères paroles vont faire d’elle une pécheresse… « Pécheresse par dévouement, Bess n’est qu’amour, un amour fou éperdu, éperdu, qui dérange l’entourage comme une lumière trop vive qui commence par aveugler mais qu’on ne peut plus oublier une fois vue. » (source : Dictionnaire des Films, éd. Larousse, 2010) Bess est certaine que la prière et la débauche sexuelle avec des inconnus telle que lui a préconisée Jan, tétraplégique et impuissant physiquement, pourraient le guérir. Bess accompli cette dépravation à contrecœur et pense être en contact avec Dieu, espèrant agir pour le bien, malgré les mises en garde de sa sœur Dodo (très intéressante Katrin Cartlidge, sans oublier le frenchy Jean-Marc Barr, acteur fétiche de LVT) sauf qu’à chaque « communication », un détail interpelle : on a plutôt affaire à une discussion entre le gentil et le méchant Gollum du Seigneur des Anneaux dans ce délire mystique (je ne pousserai pas non plus la comparaison plus loin avec le débile et franchouillard Les Anges-gardiens) !
Breaking The Waves est un ouragan dévastateur et désespérant qui prend aux tripes !! Le film suit les bases de ce que doit contenir un vrai scénario de film, à savoir confronter le personnage principal face à une difficulté et à des choix, pour le meilleur ou pour le pire, et peut importe si ça se finit bien ou mal, avant d’accomplir le grand saut la tête la première à une projection d’un film de Lars Von Trier (par exemple The House That Jack Built), il faut être prêt car regarder ce film équivaut à tendre la joue pour se prendre une gifle ! Une gifle monumentale ! Are you ready for it ?