Le succès public, critique voire vulgairement 'culte' de ce film doit être un des meilleurs exemples du délire dont le cinéma coréen fait l'objet depuis, approximativement, la sortie de Old Boy (2003). 'Mouche à merde' en VO aka 'Breathless' pour l'étranger est plaisant car il est cash et sensationnaliste, avec une mise en scène assez cheap mais surtout bourrue, droit dans l'estomac et droit dans le cru. Des spectateurs peuvent s'agacer ou s'impatienter, mais l'ennui sera toujours repoussé : une logorrhée de piailleries, d'injures, de gnons et d'hystérie (éventuellement 'masquée', c'est-à-dire tenue en laisse cinq secondes) maintient l'attention sans discontinuer.


Le protagoniste est un voyou de base, égocentrique, dépourvu de conscience, bête mais efficace – un sociopathe des rues franchisé recouvreur de dettes. Il passe son temps à défoncer tout le monde au-delà de ses missions, du raisonnable voire de la logique ; c'est l'enfant blessé devenu méchant et incapable de tendresse ! Son affection tente d'émerger avec son neveu, pour des résultats maladroits mais remplis de bonnes volontés et toujours fleuris de grossièretés – on ne prend pas de tels risques sans se donner quelques garanties ; pourquoi pas demain devenir un amoureux transi ? Sa camarade Yeon-Hee garde la face, entretient une illusion de maîtrise et de joie, voire l'appartenance à une bonne famille, mais elle aussi souffre en silence. Dans son appartement l'étudiante cache un père dément et un frère toujours au bord de la crise de rage. Les similarités entre leurs passifs sont absolues à certains endroits.


Tout ce programme pourrait naturellement emmener très haut et il suffit déjà à assurer une belle force émotionnelle, les performances étant raccords. Malheureusement l'écriture n'est pas seulement nue, elle est aussi simpliste, ce qui valide d'ailleurs la stratégie de l'outrance, avec impulsions et émotions flamboyantes en permanence. Le cœur de Breathless est un universalisme discount digne des objets culturels les plus grotesques et féminins, l'énergie (et les apparats du viril) et la force de conviction en plus. Les flash-back de l'enfance (avec une sœur et une mère apparemment décimées en une soirée) participent à l'accumulation d'un déterminisme glauque, elles-mêmes insérées dans une fresque des déviations de la misère. Les ghettos imprégnés de violence ne laissent rien filtrer, la violence s'engendre elle-même et les lecteurs de Victor Hugo pourront venir verser un torrent de larmes pour déculpabiliser les fans d'action-movie redécouvrant leurs âmes et pansant les blessures imaginaires de leurs burnes.


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le 12 mars 2017

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Zogarok

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