C’est à la gare de Milford que Laura Jesson (Celia Johnson) fait la connaissance du séduisant docteur Alec Harvey (Trevor Howard). Même si elle n’ose se l’avouer tout de suite, Laura tombe peu à peu amoureuse du médecin qui ne lui cache pas son inclination envers elle. Le problème, c’est qu’ils sont tous deux mariés, et heureux en couple…


Deux amants passionnés, un amour impossible, un mélodrame sur le quai d’une gare… A priori, rien de très aguichant dans ce film qui semble se contenter de ressasser une rengaine déjà vue et entendue mille fois. Et pourtant, ce serait sans compter sur les immenses talents conjoints du réalisateur David Lean et du dramaturge Noel Coward, l’un mettant brillamment en scène le scénario d’une grande intelligence pensé par le second. Et de fait, après un L’Esprit s’amuse réussi quoiqu’assez superficiel, le duo effectue un passage au drame impeccable en tous points.
En effet, les personnages, certes très classiques, sont parfaitement écrits, et il est impossible de ne pas s’attacher à eux, tant Coward réussit à leur conférer une humanité profonde. C’est aussi grâce aux talents d’acteurs exceptionnels, tels que Celia Johnson et Trevor Howard, bouleversants, que Brève rencontre reste ancré dans les mémoires. Chacun participe à une puissante réflexion sur la tentation de l’adultère et le mariage, d’une subtilité de haut vol.
De fait, il est intéressant de voir comment chacun des deux personnages principaux est tiraillé, non pas entre une vie rangée et malheureuse et une vie passionnée et heureuse, mais entre deux vies heureuses. Les scènes – trop rares – de Laura au foyer nous la montrent bien profitant d’une vie de famille normale, avec ses joies et ses peines, mais sans jamais la rejeter vraiment. Et c’est bien là que se situe le dilemme des deux amants Alec et Laura : outre un amour impossible à vivre socialement, leur amour est d’autant plus voué à l’échec que tous deux ont déjà trouvé leur bonheur auprès d’un ou d’une autre. Et ce qu’ils cherchent au sein de leur tentation d'adultère n’est pas un bonheur perdu, mais simplement un bonheur différent. Dès lors, qu’ils quittent leur foyer ou bien leur amant, leur vie perdra quelque chose, elle ne sera plus jamais meilleure…


C’est bien là toute la tragédie mise en images avec une retenue extraordinaire par un David Lean au meilleur de sa forme. Si la voix off se montre parfois trop envahissante, la mise en images est, elle, proprement grandiose. Jamais le metteur en scène ne se met exagérément en avant, mais il souligne toujours en toute discrétion les dilemmes et péripéties auxquels sont soumis les personnages, culminant jusqu’à une scène de tentative de suicide d’une beauté formelle incroyable.
On notera également un joli sens de la mise en abyme, qui donne au film toute la vie et l’exubérance qui lui conviennent, tandis que le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov achève de lui donner une identité forte.
Ainsi, Brève rencontre se révèle sans nul doute le premier pas d’un futur grand réalisateur dans sa période de pleine maturité. Une période qui allait s’avérer généreuse en chef-d’œuvre et donc celui-ci n’était somme toute qu’un avant-goût…

Tonto
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le 1 oct. 2019

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