Bright
5.1
Bright

Film de David Ayer (2017)

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Nouveau film estampillé Netflix cette année, après le succès critique d'Okja et la descente interminable (et ridicule) du Death Note d'Adam Wingard, Bright a commencé à se faire remarquer surtout avec ses critiques le mettant sur le podium des pires films de 2017, si pas en première place. Coupons court directement ; non, ce n'est pas le pire film de 2017 (auriez-vous oublié l'existence du stratosphérique Emoji Movie ?).


David Ayer revient donc après le tonnerre de haine qui s'était abattu sur Suicide Squad sortit l'année dernière, sur lequel bien du monde s'accorde à dire que la faute est dû à la Warner qui a tripatouillé le film pour en faire ce qu'il est maintenant. Bien du monde s'accorde à le dire, surtout après un petit succès du réalisateur qu'a été le solide et impressionnant Fury. Si il s'était fait remarquer avant son film de tank, avec surtout End of Watch, l'ancien officier de la Navy (cette étape de sa vie est plutôt importante dans son oeuvre, violente et brutale) s'était vu propulsé devant un plus grand pubic. Pour ensuite se faire huer avec son Suicide Squad. Comme si, alors que le pic montait, il s'était fracturé et tombait brusquement. Netflix décide tout de même de lui confier Bright, ainsi qu'un gros budget de 90 millions de dollars. Ayer est peut-être sur un fil très fin dans la cour des critiques, il a quand même amené un certain lot de billets à Warner avec son film précédent...


Si il ne remplit pas le rôle de scénariste (à noter qu'il a signé à ce poste le très bon Training Day d'Antoine Fuqua), il est tout de même producteur et montre une certaine foi en ce projet, en ayant déjà répondu aux critiques désastreuses du métrage Ayer est une tête brûlée, qui aime gueuler, surtout envers ses détracteurs (souvenez-vous peut-être du "Fuck You Marvel" lors de la période où il était sur Suicide Squad). Exit l'adaptation de comics, il est ici question d'un script original, écrit par Max Landis (que l'on cite encore comme le "fils de John"), connu pour l'excellent Chronicle de Josh Trank (et le court-métrage The Death and Return of Superman, très très drôle !). Il y livre ici un buddy cop film prenant place dans un univers où humains, orcs, elfes, fées, cohabitent.
Oui, c'est Alien Nation sauce heroic fantasy (mais ne l'ayant pas vu, je ne peux pas dire grand chose de plus dessus).


Et entrons-donc dans Bright ; sur le papier, le film paraît incongru, mais pas dénué d'interêt. Le faire porter à l'écran par un réalisateur capable d'amener le spectateur sur le champ de bataille et à l'intérieur d'un tank est une plutôt bonne idée. Et globalement, le travail d'Ayer à ce sujet n'est pas honteux. Le réalisateur fait le job, met en boîte de jolies images (avec son directeur photo habituel), rend l'univers crédible. Il fait le café. Mais sans grand plus. Il a certes quelques idées (le crash au ralenti) mais qui restent à l'état d'anecdotes. Il est d'ailleurs étonnement moins marquant dans ses scènes d'action que sur celles, très vivantes et pleines d'impact, de Fury. Si à certains moments cela relève plus de la faute du montage, d'autres sont bel et bien amoindries par une caméra préférant filmer ceux qui tirent, de façon purement démonstratives (pas de parti-pris hélas rouillés d'une caméra près du corps pour que le spectateur soit avec les personnages), comme en témoigne la première fusillade, survenant après 30 minutes de métrage, qui se révèle molle et où le public reste bien confortablement dans son siège (alors que Fury m'enfin !). Alors si le film se montre très brutal, violent et sanglant (Netflix se montre bien plus libre que n'importe quel studio à gros blockbusters qui auraient volontiers charcuter l'ensemble pour s'offrir le précieux PG-13), il reste plutôt facile dans son action, univers magique ou non. Le réalisateur se contente de mettre un film en boîte, plutôt joli, mais sans grand plus.


Le bas qui blesse le plus, le truc qui fait que Bright reste une oeuvre au mieux sympathique, c'est le scénario de Landis. Bright est très mal écrit, doté d'un humour forcé, parfois lourd (cette tirade interminable du personnage de Jakoby vers la fin), le film voulait être un croisement entre de la fantasy (les grandes lignes du scénario y correspondent) et un buddy-cop film. Et, comme tout droit échappé d'un high concept de papa Bruckheimer et tonton Simpson, le script de Landis évoque, parfois à outrance, Bad Boys et autre Lethal Weapon. Les grandes lignes sont du côté de la fantasy comme dit juste avant, toute l'armature est, presque un rip-off, du film de flics, avec ce duo dysfonctionnel, cette confiance et cette amitié qui ne s'installe qu'après un moment noir dans cette aventure teintée d'humour détaché.
Pourtant, l'univers esquissé n'arrive pas toujours à prendre forme concrète dans nos têtes. On y voit un centaure au détour d'un plan, un dragon au loin... Et le film est comme une brèche dans un grand mur. On a clairement envie d'en voir plus. Plus que deux flics dans une métaphore gentille mais naïve du racisme (Naïf, c'est le mot du film). Le cadre mérite d'être exploré, car on a vraiment envie de voir comment ce monde fonctionne, à un point où se fout des enjeux complètement flous, avec des méchants très méchants absolument inexistants. Dans un sens, après Suicide Squad, l'idée du film sonne très comics, et serait un univers parfait à explorer avec ce domaine.


En parlant de comics, parlons brièvement du casting ; le Men In Black Will Smith revient à Ayer, lui qui jouait Deadshot dans le précédent film de ce dernier. Will joue Smith qui joue au flic. Impossible de ne pas penser à Bad Boys (on cite beaucoup le film de Bay tiens...). L'acteur semble être dans une partie de sa carrière où il rejoue ses rôles, au final montrant un acteur assez unidimensionnel. Will Smith dans After Earth, ce n'est que Will Smith dans Je suis une Légende avec une décimale, tout comme ici où il évoque tantôt K quand il lâche une vanne, tantôt Mike Lowery lorsqu'il fait le bad-ass. Une performance tout à fait quelconque. Encore, Will joue Smith.
Joel Edgerton en revanche, s'avère être un des points forts du film ; sous sa prothèse, il donne un jeu convaincant, soigné, et fait réellement vivre son personnage, arrivant à le rendre attachant et l’égermant du film (bien que l'écriture de Landis ne rend pas la tâche facile..). Et en parlant des prothèses, le film à comme motif de visionnage la présence de ces deux créateurs de génie que sont Tom Woodruf Jr. et Alec Gillis. Géniaux responsables des effets visuels et maquillages de films comme Starship Troopers, Terminator, Aliens, mais aussi Ça sortit cette année (et dont la direction artistique étant l'un des meilleurs points), ils réalisent ici un travail tout à fait respectable, rendant vivant tout ces beaux orques dont les visuels sont certes peu originaux, mais qui fonctionnent ici très bien, ne donnant pas lieu à une direction artistique schizophrène, ce qui aurait pu largement être le cas. Ainsi, les effets visuels sont beaux et fonctionnent, et les maquillages sont de très bonne facture, et les acteurs affublés peuvent tout de même vivre et donner un bon jeu là-dessous.
Le reste du casting est anecodtique. Lucy Fry est très bien dans un rôle qui peine à exister, Noomi Rapace est aux fraises (bon sang, après sa révélation aux yeux du public dans Millénium, ce qu'elle a fait de mieux est Prometheus où elle livrait une prestation très forte, mais il n'y a globalement que ça à relever avec The Drop, et quel dommage !) dans une méchante d'un vide abyssal (la menace est totalement invisible), et Edgar Ramirez peine à exister.


Bande-son orientée hip-op/rap pour coller à cette ambiance urbaine qui fait vraiment bien le café (elle est même une compliation très cool, avec à noter alt-J (!)), pour au final un divertissement qui peut aisément combler une soirée. Divertissement qui arrive à exister et sortir de ce "qu'est ce que ce concept débile", mais doté d'une écriture de très, très mauvaise facture. C'est clairement Max Landis qui tire l"oeuvre, déjà pas grandiose, vers le bas.
Et pourtant, je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine sympathie à cet actionner faiblard et très naïf. Parce que j'ai tout de même envie d'en voir plus. C'est le défaut et le plus du film, celui qui nous énerve et celui qui nous donne envie de continuer pour voir ce qu'il y a à voir. L'univers est esquissé, maladroitement, mais on a envie de l'explorer, de voir comment il fonctionne, même gangrené par des backstories sommaires au possible (The Lord of Darkness, ça ne peut pas fonctionner ici).


Et c'est pour cela qu'une suite, que Netflix envisage déjà, ne me déplairait pas. Juste pour explorer plus, juste pour que ce monde prenne réellement forme.L'idée s'y prête plutôt bien. Une idée de comics. Je n'en peux plus des énièmes suites, spin-off. Ici, l'idée à un réel attrait, parce qu'il y a un univers.
Seule vraie force du film.

MadeAWasp
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le 23 déc. 2017

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