Les différents effets que provoque la place (centrale) de la violence dans les films de Nicolas Winding Refn sont chez moi, depuis un bon moment, source de grande perplexité.


Pourquoi l’aspect cru d’un dépeçage en règle dans "Pusher 3" ne me pose aucun problème, dans une œuvre que je considère comme très réussie, alors qu’une séance de plantage de baguettes "acuponcture-friendly" me repousse instinctivement dans "Only God forgive" ? Comment puis-je accepter le tabassage d’une femme enceinte dans "Bleeder" alors que je trouve grotesque un combat à mains nues du héros de "Bronson" ?
Rapidement, il m’a fallu évacuer la supposée gratuité ou le possible esthétisme de la mise en scène de cette folie destructrice.
Si même on doit sortir du cadre du travail du réalisateur Danois, de tels écarts de perception sont chez moi fréquents. Ce qui passe comme une lettre à la poste dans un "Orange mécanique" ou un "chiens de paille" me rebute absolument dans un Kick-Ass ou un rape & revenge classique. Autre fausse piste : il ne s’agit pas de la qualité (supposée) ou du niveau (estimé) du film.
Si ne ce n’est à considérer que l’élément sur lequel je suis enfin arrivé à mettre le doigt (et que je vais vous exposer tout de suite) fait partie de la qualité d’une œuvre.


Violence d’arrosage


Non-violent convaincu, il n’y a en fait que deux cas de figure qui me permettent d’avaler de la sauvagerie picturale sans broncher, voir en y prenant un certain plaisir.


La première catégorie comprend les films qui expliquent les mécanismes qui mènent à un déchainement fatal. C’est alors une occasion pour le spectateur de comprendre ce qui, dans le monde qui l’entoure, conduit à des situations extrêmes. C’est notamment le cas du personnage qui, acculé et au pied du mur, doit se défendre (à titre personnel cependant, je ne considère pas que cela donne les meilleurs films).


L’autre possibilité existe quand, et c’est ce que ne fait justement pas ce Bronson, le film explique quelque chose en quoi je crois profondément et qui me semble être une idée absolument essentielle: la violence est l’antithèse d’une démonstration de puissance.
Au contraire, elle est un aveu de faiblesse définitive. La vraie violence, c’est quand on a raté toutes les autres options. C’est quand on se montre incapable de mettre des mots sur ses problèmes, quand on veut dissimuler une faille que l’on pense insurmontable, quand on compense une désavantage que l’on pense être d’ordre intellectuel. De nombreux et superbes films illustrent parfaitement ce principe.


Death wish … you were here


Le personnage, admirablement mais vainement campé par Tom Hardy, ne livre aucune clef sur son comportement (bon élève, enfant sage), ce qui pourrait ne pas constituer un handicap insurmontable si le film compensait cette absence d’indice par une réflexion sur les conséquences, intimes ou extérieures, des actes de Michael Peterson.
Privé de ces béquilles narratives essentielles, Bronson se transforme en coquille vide, et du coup complaisante vis-à-vis de son sujet central, conférant à l’expérience carcérale ainsi mise en scène un arrière-goût désagréable et une vacuité sans appel.
Pantomime sans fond, il rejoint même une cohorte ininterrompue, vieille comme le cinéma, de films pour qui la violence n’est qu’une apparence sans cause ni effets, proposant un spectacle froid et inutile.
Il me donnerait presque envie d’aimer le film à l’origine du pseudonyme que choisit le héros. C’est vous dire.

guyness

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