Focales longues, faible luminosité et petite profondeur de champ : dès qu’il est filmé, Menasche semble prisonnier. Mais de quoi ?


Au début, je le pensais prisonnier de sa foi et de sa pratique religieuse. L’image qu’il renvoie dans les premières minutes est celle d’un juif pieux et très orthodoxe, vêtu comme il faut et parlant et priant en yiddish. Mais très vite, on comprend que Menasche ne dispose pas des mêmes certitudes existentielles que ses camarades, que la religion n’est pas tout, pour lui.
Puis, je l’ai cru prisonnier de son deuil. Mais c’était avant d’apprendre que Menasche n’avait jamais aimé Leah, sa femme, et que sa mort l'avait soulagé.
Alors, retour au terrain religieux : il serait prisonnier de la foi des autres, d’un système religieux ascétique et exigeant ? Possible : Menasche semble souffrir de toutes ces règles dures et absurdes (ne pas avoir la garde de son fils tant qu’il n’est pas remarié !), de ce mépris pour les choses du monde, ses petits plaisirs et distractions, qui sont réduits à un arrière-plan flou. Menasche est un bon vivant, il aime manger une glace avec son fils, et ne semble pas fait pour cette vie en vase clos : la plus belle scène du film est celle où Menasche parle en anglais pour la première fois (après 1 h de film !), et plaisante et boit avec des travailleurs Mexicains. Il est heureux, il partage un bon moment avec des hommes.
Mais Menasche ne conteste jamais non plus vraiment les exigences de sa pratique religieuse.


Alors, le film, par ailleurs logiquement trop austère et vraiment pas très rigolo, vaut pour la subtilité et la douceur de Menasche, simple père de famille qui aime son fils ; un homme qui fait ce qu’il peut pour s’accomplir dans un monde trop inhumain.

TomCluzeau
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le 28 oct. 2017

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Tom Cluzeau

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