Buffalo '66 de Vincent Gallo possède les défauts d'un premier film, avec tout ce que cela contient de touchant et de personnel. Essai curieux et pleinement original c'est un formidable objet de cinéma indépendant en grande partie porté par la volonté de l'acteur-réalisateur, tourné avec des moyens visiblement modestes et se moquant bien de complaire au tout-venant. Fortement hétéroclite dans sa forme et très éloigné d'un réalisme conventionnel qui consisterait à coller à des schémas psychologiques congrus et rassurants pour le spectateur Buffalo '66 ose conjuguer des éléments disparates pour mieux dévoiler sa poésie intrinsèque. Décalé jusqu'au burlesque, fauché jusqu'à devenir nostalgique le premier long métrage de Vincent Gallo mêle différents genres cinématographiques : polar, romance, comédie musicale, drame intimiste ou encore road-movie se chevauchent pour former une intrigue n'ayant pas peur de paraître ridicule, aussi déroutante soit-elle.


C'est du reste dans ses maladresses formelles que Buffalo '66 se montre le film le plus charmant qui soit. Souvent proche du dispositif, la réalisation fourmille d'idées surprenantes et de cadrages audacieux, d'instants lyriques et de ruptures de ton. En ce sens l'intermède musical dans lequel Christina Ricci se livre à un numéro de claquettes sur le Moonchild de King Crimson est très représentatif de l'aspect composite du film, de cette magie tour à tour fauchée puis pétillante, underground puis élégante. Il y a bien plusieurs scènes de Buffalo '66 qui ne ressemblent qu'à elles-mêmes, comme la longue séquence délibérément artificielle de la visite de Billy chez ses parents ou encore le dénouement flamboyant, formellement incomparable à quoi que ce soit d'autre. On pourrait bien reprocher à Vincent Gallo de prendre souvent la pose et de cultiver un certain narcissisme mais son film est d'une telle beauté et d'une telle originalité qu'on lui pardonne sans mal son égotisme chevronné.


Par ailleurs l'héritage de John Cassavetes transparaît dans la prestation fulgurante de Ben Gazzara, figure emblématique du cinéma indépendant américain qui s'adonne pour l'occasion à une scène de comédie musicale assez inhabituelle. Un film unique en son genre nous est ici livré par Vincent Gallo, relevé et courageux dans ses partis-pris esthétiques. A voir absolument par tout cinéphile digne de ce nom !

stebbins
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le 30 avr. 2015

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