Je sais ce qu'une partie de vous pense, ce film est surnoté. Bah tu m'étonnes que si tu le voies uniquement comme une comédie, c'est surnoté.
Il y a des passages drôles bien sûr, très drôles. Des effets comiques qui, à certains points donnés du film, arrivent à pic et déclenchent le rire. Mais ce rire découle d'un malaise mis en place tout d'abord dans la narration du film, mais aussi dans le jeu de l'acteur principal. Et là je félicite Benoît Poelvoorde. Je le savais déjà très bon acteur, mais dès ses débuts il atteint des sommets dans son personnage aussi glaçant et menaçant qu'absurde et drôle.
Parce que si ce personnage totalement fou et ingérable rend le film drôle, il le rend aussi et surtout inquiétant. Il installe une tension de par ses gestes incontrôlables, et de par ses passages à l'action un peu trop impulsifs. Cela dit, il est aussi foutrement fascinant, et on pourrait l'écouter déblatérer des conneries des heures encore. Parce que dans sa bouche, ce ne sont plus des conneries, c'est la vérité vraie qu'il vaut mieux écouter sans renfrogner si l'on souhaite rester en vie. C'est le genre de menace, avouons-le, auquel on a tous été confrontés un jour ou l'autre, par une quelconque forme d'autorité (parents, profs, patron..), forme d'autorité que ce cher Benoît incarne ici à merveille.
La mise en scène renforce ce sentiment d'angoisse en nous plongeant dans le regard de ces jeunes lambda qui filment la vie de Benoît, on ne sait pas trop pourquoi, mais il le font. Et certaines scènes sont plus stressantes et inquiétantes que celles des masses de "films d'horreur" en found-footage qu'on nous chie à la gueule régulièrement depuis les années 2000. Pour moi "C'est arrivé près de chez vous" est un peu le projet Blair Witch avant l'heure, et en mieux.
Alors bien sûr, si on ne rentre pas dans le délire, si on n'est pas sensible à l'humour noir particulier du film, ou si on est dérangé par le style caméra à l'épaule, je comprends totalement qu'on n'aime pas du tout le film. Et il n'est pas exempt de défauts bien sûr, surtout dans le rythme parfois bancal. Mais c'est ces inégalités qui, bizarrement, font tout le charme de l'oeuvre, étant donné qu'elles rentrent exactement dans son propos esthétique. Ces quelques moments où le film tangue un peu, pour ensuite revenir en piste et te foutre un poing dans la gueule pour voir si tu suis toujours, achèvent de construire un réalisme fascinant tant que déroutant. Et même si je n'ai ri peut-être que cinq ou six fois (souvent très fort, et nerveusement, ça n'avait rien de jouissif au fond), j'ai été envoûté par le film tout le long, comme rarement je l'ai été, et rien qu'en le voyant je me suis dit qu'il me faudrait le revoir encore, et encore, parce que les répliques sont géniales, les situations sont bien trouvées, et cette oeuvre est belle, dans le sens kantien du mot "beau" (sens kantien du mot "beau" signifie que si vous n'êtes pas d'accord avec moi je vous pète la gueule).
Si j'ai adoré c'est avant tout parce que je considère ce film comme un thriller comico-horrifique et dramatique. Je vous conseille d'en faire de même.
Quant au message du film... On peut en trouver des centaines de messages, et contradictoires en plus. Certaines personnes n'aiment pas quand le message véhiculé est flou, moi j'adore. Parce que ça fait travailler l'imagination, et en plus selon Schopenhauer c'est l'essence-même de l'art. (désolé ça vient tout seul, j'aurais pas dû faire une année d'études de lettres c'est ma faute)
Et sur ce point là, j'approuve avec Schoppy.