Je m’étais pourtant bien promis de ne pas penser au livre de Stephen King en regardant “Ça”, le euh… “film” de Andy Muschietti (indiscutablement un nouveau génie du cinéma !), et aussi de ne pas le mentionner dans ma critique. Ces bonnes intentions se sont révélées évidemment bien vaines, même si, en toute honnêteté, la bêtise confondante de l’adaptation n’est responsable qu’en partie de l’accident industriel qu’est ce truc pitoyable (… n’en déplaise à l’ami Dolan, qui doit fumer des trucs salement agressifs pour l’avoir qualifié de chef d’œuvre du siècle !). A partir d’un livre aussi passionnant que celui de King, il a quand même fallu une incroyable accumulation de choix erronés et d’incompétence crasse pour arriver à quelque chose d'aussi ennuyeux, d'aussi peu imaginatif, d'aussi ridicule et surtout d'aussi vain. Du côté des mauvaises décisions dans le scénario, il y a évidemment la réduction de la notion - essentielle dans le livre – d’un Mal insaisissable se nourrissant de la terreur des enfants de Derry, à la ridicule coulrophobie américaine actuelle : toute la dimension sociale, voire politique, ou en tous cas mythologique du livre disparaît du coup, rabaissant “Ça” à un nième film de créatures monstrueuses. Narrativement, le choix de revenir à un récit strictement chronologique, divisé en deux films, l’un pour la partie de l’enfance (celui-ci, donc…), l’autre pour l’âge adulte (un autre naufrage sans doute, à venir...) dépouille l’histoire de la fascinante combinaison entre passé et présent, qui comptait pour beaucoup dans la force du livre, et introduit un rythme effréné dans les scènes d'horreur qui s'enchaînent du coup au dépend de toute crédibilité. Mais tout cela ne serait peut-être pas si grave, sans la déroute artistique générale : les jeunes acteurs sont à la ramasse, ce qui n’est pas si courant à Hollywood (amusez-vous à comparer des scènes similaires entre “Ça” et “Stand By Me”, la différence de niveau est stupéfiante !), tandis que la mise en scène semble effectuer systématiquement tous les choix les plus faciles, les plus putassiers du cinéma d’horreur de bas niveau. Ne parlons même pas des tentatives d'inscription de la BO dans le contexte des 80's, terriblement maladroites, ni des comportements des personnages qui ne répondent à aucune logique compréhensible, ni même des dialogues ridicules entre les "Losers" qui font grincer des dents. Bref, le pauvre spectateur se verra alternativement plongé dans une consternation totale devant la stupidité de ce qu'on lui inflige, puis dans un ennui abyssal devant l’absence manifeste de talent de l’équipe toute entière responsable de ce déchet à peu près inqualifiable. Peut-être que c’est justement ça, qui doit nous faire peur pour le coup, cette atroce nullité générale, qui ne semble par ailleurs susciter que peu de réactions de la part de la critique et du public. Sommes-nous devenus si peu exigeants ? [Critique écrite en 2017]

EricDebarnot
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le 19 sept. 2017

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Eric BBYoda

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