On peste souvent contre l’omniprésence des films de super héros dans la production ciné et tv US actuelle et pourtant il y a un autre éternel filon que Hollywood ne s’est jamais lassé d’exploiter : l’adaptation de Stephen King. Presque un genre en soi qu’on aura bouffé à toutes les sauces depuis les années 80. Rien que pour cette année j’en compte 6 (et j’en oublie peut-être).


Celle qui nous intéresse ici et sur laquelle je n’aurais pas misé un copeck il y a encore quelques jours : la nouvelle adaptation de ÇA. Oui les téléfilms jouissent d’une aura particulière pour les gens de ma génération grâce à des redifs TV multiples (à une époque où la TNT n’existait pas), de l’horreur light parfaite à mater quand on est un gosse qui veut jouer au grand et un Tim Curry golri. Mais franchement qui avait envie de remettre le couvert pour un nouveau slasher un peu insipide à base de clown shapeshifter ?


La surprise d’assister à une telle réussite n’en aura été que plus grande. Réussite en grande partie imputable à Andy Muschietti, à l’origine de l’excellent Mama mais que je voyais déjà se casser les dents sur une commande de major comme tant d’autres avant lui. Ça sentait d’autant plus le sapin quand on sait que Cary Fukunaga avait quitté le projet face à des producteurs selon lui réfractaires à toute subversion qui voulaient livrer le produit le plus inoffensif possible.


Mais voilà la meilleure subversion est souvent celle qui est la plus insidieuse. Dormez sur vos deux oreilles, ÇA n’est absolument pas un film d’horreur particulièrement flippant, il est même plutôt gentillet. Et c’est pas grave, on s’en cogne après tout car c’est un excellent film. Comme toute bonne adaptation de King (Christine, Misery, Carrie pour ne citer qu’eux), l’essentiel tient avant tout à de bons personnages, bien écrits, bien castés, attachants et à une bonne exposition. Le concept horrifique du jour (ici le clown donc) n’y est là que pour secouer tout ça et booster les enjeux. D’ailleurs on pourrait le retirer complétement pour se concentrer sur les arcs narratifs de départ et on se retrouverait avec quelque chose d’assez complet. Avec ÇA, le résultat serait finalement très proche de Stand by Me, autre grande adaptation de King. Car comme lui, le film est avant tout un très beau récit initiatique sur le passage à l’adolescence.


Et la composante horrifique propre à ÇA en devient la magnifique extension. Oui la particularité de Pennywise reste sa capacité à incarner les plus grandes peurs de ses proies mais plus question cette fois de se transformer en monstre un peu naze (franchement outre l’inintérêt thématique, qui a réellement peur des loups garous ?). C'est là pour moi la grand idée du film : les peurs des personnages sont cette fois liées à des sujets infiniment plus crédibles, intimes et réels : puberté et sexualisation du corps, menace incestueuse, être noir dans l’amérique rurale des 80s, cocooning maternel ultra pesant, bullying, éducation religieuse étouffante, culpabilité etc… Pennywise est un clown psychopathe mais il est surtout l’incarnation de thématiques pas si inoffensives que ça. Le film aurait pu jouer la carte du surnaturel creepy pour se donner des airs de vrai film d’horreur de bonhomme mais préfère aller vers quelque chose de beaucoup plus réel, humain, insidieux. La banalité du mal dans toute sa splendeur. Oui ÇA est un film très (trop pour certains) grand public mais c’est précisément sa force : réussir à proposer une horreur du quotidien et de l'ordinaire à tous, sans rester dans sa case.


Avec tous ces sujets évoqués à travers chaque personnage, beaucoup de thématiques disparates pour un seul film oui mais qui se recoupent par la thématique de l’amitié, ici clé de l’acceptation de soi et du dépassement de ses angoisses. On en revient ici évidement à Stand by Me, véritable matrice du film. Mais le genre fantastico horrifique permet d’aborder ici ces questions sous un prisme différent, avec en bonus un peu plus de folie formelle. Andy Muschietti s’amuse d’ailleurs bien à ce niveau et les fans de Mama se retrouveront en terrain connu avec certaines apparitions horrifiques.


ÇA est donc vraiment un chouette film que je recommande sicèrement, plein de vie, qui n’a pas peur d’être marrant et fun parce qu’il est supposé être un film d’horreur. On retrouve d'ailleurs à ce niveau pas mal d’ingrédients du succès récent de Stranger Things (l’action de ÇA n’a pas été repositionnée dans les années 80 pour rien…), mais avec plus de profondeur thématique et moins de recours à une nostalgie un peu facile. On baigne dans cette même Amérique rurale des 80s avec sa bande de gamins à vélo pendant les vacances d’été mais sans cette abondance de citations et références pop qui condamnaient la série à rester dans l’ombre de ses modèles au lieu de s’affirmer (malgré toutes ses qualités).


En tout cas, on a hâte de retrouver cette bande de potes pour une inévitable suite qui aura toutefois la lourde tâche de renouveler thématiquement une histoire largement auto-suffisante à ce niveau. Problématiques plus tournées vers l’adolescence ? Longue ellipse pour un passage à l’âge adulte comme dans l’oeuvre originale ? Il y en tout cas de quoi faire

StevenSingalls
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le 28 sept. 2017

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