Repousser les limites de l'horreur et du montrable

La très grande force de Ça est de rendre chaque membre de notre bande de losers attachant et passionnant à suivre, engagé malgré lui dans une lutte à cauchemars ouverts où vies diurne et nocturne s’entrecroisent le temps d’une lutte à mort. Ici la violence est sourde, épisodique, frappe comme un mauvais rêve puis quitte aussitôt le devant de la scène tout en demeurant là, présent à l’esprit. Le clown devient cet être protéiforme capable de revêtir l’apparence de nos pires traumatismes, et ainsi nous apparaît curieusement proche, comme lié par une quelconque lucidité – un quelconque intérêt – sur les problèmes inhérents à l’adolescence dans un monde déserté par les adultes. La malédiction, c’est que l’adolescent ne puisse parler de ses angoisses à personne d’autre qu’à ses semblables, et qu’il puisse s’en remettre malgré lui au clown, figure mi adulte mi enfantine, monstre doué de compréhension et du pouvoir d’absolution… Toujours intelligent dans sa conception de l’horreur malgré une légère tendance à accumuler les scènes d’épouvante de manière un peu mécanique, la relecture 2017 du monument de Stephen King restitue la paranoïa d’une jeune communauté face à la barbarie, face à autrui et face à soi-même. Surtout, le film bénéficie d’une excellente composition musicale signée Benjamin Wallfisch qui l’imprègne d’une bizarrerie délicieuse en délivrant des thèmes forts séparés par des envolées macabres à grands coups de sons étranges et de cohabitation orchestrale-électronique disharmonieuse redoutablement efficace. Ça 2017 est une date dans le cinéma d’épouvante car il dépoussière une œuvre à la difficulté d’adaptation évidente pour repousser les limites du montrable et du soutenable compte tenu de la population concerne – des adolescents – et du public dans la salle – potentiellement de tout âge –, pour se démarquer à l’heure où la production horrifique peine à renouveler des schémas confortables. Des risques sont pris et on en redemande. Un sommet de maturité et d’angoisse dans lequel on se replonge non sans plaisir coupable.

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le 2 nov. 2018

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