Les 10 premières minutes annoncent un bon film d’horreur, idéal pour lutter contre le cafard du dimanche soir !
L’empathie, la pitié, l’amour, la peur, tout est là. On sent d’emblée une pincée de lourdeur mais l’apparition du clown nous convainc qu’on va passer un bon moment de frayeur et de suspens. C’est maitrisé et beau esthétiquement. Satisfait et bien calé dans le canapé on peut se préparer à une bonne soirée, c’est parti !
Non… pas si vite ! Les choses vont vite se gâter.
Le héros est bègue et rejeté par les adolescents populaires du collège mais son charme et son courage vont bientôt le rendre irrésistible à qui veut bien voir au-delà des apparences. Tiens, bizarre, on a comme une impression de déjà-vu.
Sa bande d’amis s’auto-appelle « le club des ratés » et se fait régulièrement harceler par les caïds. Pourtant ce sont eux que la plus belle fille du collège choisira pour devenir leur amie. Tiens, cette fois c’est sûr, on est face à un bon gros cliché du genre et ce n’est que le début.


Ainsi, le film ne cache pas son ambition : le spectateur doit en avoir pour son argent. Il faut qu’il rit, qu’il pleure, qu’il ait peur, qu’il sursaute et se régale de popcorn en se tortillant sur son siège. Pour cela, chaque personnage incarne un trait de caractère bien défini, c’est plus facile. L’un des ratés a un don : il baratine et a une excellente répartie. Voici notre personnage drôle. Il dégaine les blagues lourdes d’adolescents comme personne. On sourit parfois, on soupire beaucoup. Un autre incarne le petit gros, mal parti dans la vie mais sensible et attachant, tandis qu’un autre fait office de lâche hypocondriaque. Notre jeune héros est quant à lui la caution émotion, redoutablement efficace. Il s’agit en effet d’appuyer sur la corde sensible (la douleur de la perte d’un être cher) à outrance, quitte à lasser. Enfin, l’effet catharsis doit être assuré chez le public cible, pour cela il faut pouvoir s’identifier (conflit avec les parents, histoires d’amour naissante, harcèlement scolaire, revanche des « loseurs» contre les « populaires »). On a là tous les ingrédients d’un teen-movie décevant pour quiconque aurait oublié de poser son cerveau avant de choisir de se divertir.


Reprenons le fil de l’histoire, notre jeune héros est bien décidé à retrouver son petit frère disparu, avec ou sans l’aide de ses amis qui sont, il faut le dire, plus poltrons que lui. Pour cela il va devoir faire preuve de courage, d’obstination, d’intelligence, de force, de sensibilité, de persuasion, de… Inutile de continuer la liste, de toutes façons, il a toutes ces qualités puisque c’est le héros ! L’héroïne ne s’y laisse d’ailleurs pas tromper et tombe instantanément amoureuse de lui.
Début de l’ennui. Encore 1h40 de film. Cela ne fait que 32 minutes.


A partir de là on enchaîne les scènes de gags, de harcèlement à l’école, les apparitions du clown, les éventrations du petit gros (Pas de chance ! Il faut dire qu’il a le ventre qui dépasse et ça ne pardonne pas !), les effets de surprise. L’enquête avance bon an mal an avec son lot d’incohérences (Après tout l‘histoire en elle-même est bien accessoire !) : pourquoi le clown revient-il tous les 27 ans ? Pourquoi "Ça" passe-t-il uniquement par les égoûts ? Pourquoi les victimes flottent-elles ? Pourquoi ? Pourquoi ?
On suppose à ce stade que l’adaptation du livre a pâti de raccourcis et d’approximations.
C’est ainsi malheureusement que le jeune caïd qui devient un « soldat » de "Ça" aurait pu être un personnage fort mais la réalisation fait le choix de le délaisser très vite. De même, la façon dont les personnages vont découvrir que la ville est hantée par un clown diabolique est trop rapide, on perd la logique et le suspens de l’enquête pour mettre en avant les effets spéciaux. Enfin, la façon de vaincre "Ça", qui est de vaincre sa peur, aurait méritée un vrai développement et d’être amenée avec habilité, au lieu de cela il faut se contenter d’acquiescer face à la découverte subite par le héros de cette faille sans que l’on sache comment ni pourquoi.


Enfin, ce teen-movie malgré ses allures de film d’horreur corrosif, suinte les bons sentiments et s’évertue à rester bien lisse. Le film joue sur la surprise et le dégoût plus que sur la peur et le suspens. Bien sûr, on ne s’interroge pas, on n’enquête pas vraiment puisque les indices tombent les uns après les autres sans lien entre eux (façon Esprits criminels). On ne réfléchit pas, ce n’est pas le but. Dommage car le film est traversé par la question de la relation parents-enfants, qui aurait pu lui donner une vraie profondeur. Ici, tous les adultes dysfonctionnent. Ils sont incapables de protéger les enfants et sont au mieux inutiles voire franchement nocifs. Pourtant ils savent, ils baissent les yeux et ne parlent pas. "Ça" ne s’en prend d’ailleurs qu’aux enfants. Comme si un pacte avait été passé avec la créature, pour se protéger, quitte à faire quelques sacrifices. Malheureusement le sujet est évoqué puis éludé pour mieux se concentrer sur les histoires adolescentes, quitte à vider l’histoire de sa substance.
On se plait à imaginer que le film n’est peut-être pas si naïf quand les enfants se mettent à tuer leurs parents par vengeance mais aussitôt l’axe du bien ou du mal les rattrape évitant toute subversion. De même, l’héroïne se fait traiter de « salope » par ses camarades et leurs parents, trainant derrière elle une réputation sulfureuse alors même qu’elle est victime d’inceste. Pourtant à nouveau on coupe court au sujet, en prouvant rapidement que la rumeur est fausse. L’honneur de l’héroïne est sauf, c’est bien tout ce qui compte.


A voir l’été de ses 14 ans, au cinéma entouré de sa bande de potes, sous la clim, avec une bonne glace !

lexie6976
3
Écrit par

Créée

le 20 mai 2020

Critique lue 114 fois

1 j'aime

lexie6976

Écrit par

Critique lue 114 fois

1

D'autres avis sur Ça

Ça
Behind_the_Mask
7

L'égout et les douleurs

Ultra attendu depuis l'annonce de sa mise en chantier, over hypé dans les moindres détails de ses intentions et de son tournage, classification jugée hardcore, célébration anticipée d'un retour aux...

le 20 sept. 2017

116 j'aime

25

Ça
MatthieuS
8

Le trône du King

Les adaptations des œuvres de Stephen King ne se comptent pas sur les doigts d’une main, et ce depuis plusieurs années. On en dénombre plus de 80 à l’heure actuelle et le rythme n’est pas prêt de...

le 22 sept. 2017

103 j'aime

32

Ça
trineor
4

Stridence. Silence. BWwuUÂââRGH ! (Ou l'art du procédé horrifique en 357 itérations)

Je ne vais pas dire que ça me soit aussi antipathique que peut l'être la pâtée moyenne de chez Blumhouse dans la veine Wan : au moins ici, le propos qui vient poindre sous l'horreur nous épargne les...

le 17 sept. 2017

81 j'aime

7

Du même critique

L'Homme sans passé
lexie6976
8

Notes rapides sur "L'homme sans passé" (trilogie Finlande 2/3)

Finlande. Nuit. M. sort du train à Helsinki et se fait tabasser. Il perd tout, y compris la mémoire. Ce film de Kaurismaki se joue dans l’ombre. La lumière, chaude, réchauffe péniblement les lieux et...

le 18 janv. 2021

3 j'aime

Je suis un autarcique
lexie6976
5

Notes rapides sur "Je suis un autarcique"

Ce premier film de Nanni Moretti tourné alors qu'il n'a que 23 ans est considéré comme l'oeuvre de jeunesse de ce grand réalisateur italien. Michele est quitté par sa femme et reste vivre à Rome avec...

le 23 mai 2020

3 j'aime

Moi, Daniel Blake
lexie6976
7

Quand la fiction rejoint la réalité

Palme d’or à Cannes Le réalisateur, bien connu pour son engagement, nous offre cette fois une plongée dans l’univers impitoyable du Pôle Emploi outre-manche. La politique menée par le gouvernement...

le 29 avr. 2020

3 j'aime