Il était une fois un clown qui ne faisait plus peur

20 Septembre 2017, « Ca, il est revenu » était modernisé, bien plus malsain, sadique au point de choquer les fans de la version d’origine alors qu’ils pensaient avoir vu le pire. Deux ans plus tard, le cauchemar se termine, le chapitre 2 sort, le club des ratés se retrouve, se reforme, et va devoir vaincre une fois pour toute le clown Grippe-sou. Revenez chez vous, retournez à Derry, il parait qu’on y flotte comme des ballons.


Parfois le passé revient vous chercher


La ville de Derry est heureuse de vous ré accueillir. Pour le meilleur, surtout pour le pire. Les croquemitaines sont comme l’âme, ils sont éternels. Grippe-sou est revenu. Pas le nemesis de Picsou mais bien ce clown maléfique aux pouvoirs surnaturels raffolant des enfants comme ces derniers raffolent de sucreries. Grippe-sou, ce clown solitaire ayant prit pour cible une bande d’ados déjà bien victimisés par la vie n’a pas dit son dernier mot. Ces derniers pensaient l’avoir vaincu et, juste au cas où il reviendrait, avaient faits un serment : celui de se réunir et de l’anéantir. 27 années plus tard, alors que chacun c’est reconstruit et pensait avoir laissé le passé derrière lui, celui qui leur avait pourri la vie en tournant au cauchemar leur enfance, les rappels.


Première surprise pour ce chapitre 2 de « Ca », pour la première fois, on a écouté les fans. Nos versions adultes de Bill Denbrough et toute sa bande du club des ratés ont grandi. Terminé les bégaiements, et les gros bidons, nos héros sont devenu de beaux adultes portant les traits de têtes connues talentueuses ressemblant traits pour traits à leur version enfant. Comparé au téléfilm, on gagne là au change. James McAvoy, Jessica Chastain, Jay Ryan, Bill Hader, James Ransone, Andy Bean et Isaiah Mustafa font face à Bill Skarsgård qui lui n’a pas prit une ride. On ne pouvait rêver mieux. Nos ados ont peut être grandi loin du lieu ayant causé leurs traumatismes, ils n'ont pas changé pour autant et restent, derrière le masque qu'ils se sont construits pour protéger leur passé traumatisant, les mêmes losers avec les mêmes problèmes, les mêmes défauts et surtout: les mêmes peurs.


Bill Hader, on valide ou pas son humour, quoiqu’il en soit, il colle au personnage de Richie précédemment interprété par Finn Wolfhard. Humour marchant une fois sur trois, humour forcément agaçant pour certains, seulement, lorsqu’il est question pour lui de montrer qui se cache derrière ces « clowneries », Richie renverse la tendance, fait naitre en nous de l’empathie pour lui.


A croire que ce Chapitre 2 aime surprendre là où on ne l’attend pas. Je doutais des prestations de Bill Hader et Jay Ryan, habitué des rôles sur le petit écran, je me suis trompé, ils s’en sont brillamment sorti. Je ne doutais pas de la prestation de James McAvoy, j’ai été déçu. Non pas que l’acteur livre une interprétation mauvaise, plutôt qu’il est le seul du groupe à voir la personnalité de son personnage ne pas concorder à la personnalité de sa version enfant. Hormis son bégaiement, Bill est très mal développé, trop mit en retrait, perdant une bonne partie de l’intensité tragique de son personnage supposé être le chef du groupe. Aucuns reproches à faire sur les autres membres du casting, chacun touche par sa sincérité (mention à Jessica Chastain), toujours hanté par ce qu’il a vécu enfant.



Il se passe un truc bizarre quand on quitte cette ville. Plus on
s'éloigne, plus les souvenirs deviennent flous.



A Derry, mourir ça n’est jamais vraiment mourir


Malheureusement la mauvaise écriture de Bill fait partie de toute une série d’éléments perturbateurs venus baisser le puissant degré de cauchemar se dégageant de cette revisite de « Ca ». Trop de va et vient entre le présent et le passé affectent la narration (on réunit les protagonistes, on les sépare de nouveau, on les re-rassemble pour les séparer encore), la mise en scène classique donne la sensation que le réalisateur a passé le relais à un novice, la performance de Bill Skarsgård est entachée par de la retouche numérique cassant son coté dérangeant, et ô horreur et damnation : les scènes d’horreur ne font plus peur.


Jamais je n’aurai pensé avoir autant de reproches à faire à cette suite. S’il y avait bien deux choses à ne pas toucher, c’était bien l’aspect menaçant de Grippe-sou et la mise en scène des séquences d’épouvante. D’un point de vue horrifique ce chapitre 2 n’est pas à la hauteur du Chapitre 1. A croire que tout le stock de bonnes idées a été épuisé dans ce dernier.


Aucun style, aucune âme, aucune identité à cause de l’usage intempestif de CGI, de scènes répugnantes et de jump scare, Muschietti, ne mise pratiquement que sur les codes des films d’horreur d’aujourd’hui. Ceux qui deviennent redondant. « Ca » se devait d’aller au-delà de ces effets primaires, jouer la carte de l'œuvre cauchemardesque à fond en faisant ressurgir chez les adultes leurs peurs d'enfants, celles qu’ils pensaient avoir bien enfoui dans une partie tellement profonde de leur mémoire qu'elle n'arriverait jamais à en ressortir. Le coté immersif à vous glacer le sang n’est plus, seules de deux/trois scènes tout de même saccagées par l’esthétisme valent le coup d’œil pour les amateurs:


• La scène du hall des miroirs lors de la virée obligatoire en fête foraine (scène moins réussie que celle du final de la saison 3 de Stranger Things),


• Le passage de Beverly dans son ancien appartement (l’apparition en arrière plan d’un être hostile alors que la caméra se concentre au premier plan sur Beverly, ça marche, j’ai eu mon petit frisson).


Comme si ça ne suffisait pas à décrédibiliser, dénaturer cet univers, quoi de pire que de tapisser les murs de ce second opus d'humour en plein moment de mise en danger. On dirait que le chapitre 2 de "Ca" n'assume pas sa vraie nature, celle d’être une œuvre horrifique sérieuse. Je comprends que l'usage de blagues est un bon prétexte pour tuer la peur mais là, pour un film d'horreur de l'envergure de "Ca", pure hérésie. Cette faute impardonnable casse toute la tension, le ton sérieux et l’ambiance pesante de notre film.


Plus c’est long…plus c’est long…


Je me suis dit qu’avec un film d’horreur ayant l’ambition de durer 2h45 (chose qui n’est pas arrivée depuis longtemps), il y aurait matière à avoir droit à une adaptation de roman réussie, d’autant plus pour une œuvre si riche que « Ca » dont l’histoire est connectée à bon nombre d’autres œuvres de Stephen King (revoyez « La Tour sombre »), d’où le génie créatif de l’écrivain. 2h45, bonne durée pour développer proprement les personnages, installer l’horreur, le caractère menaçant de son antagoniste pour faire flipper, donner la sensation de suffoquer, d’avoir envie de quitter la salle pour prendre un bol d’air frais et acheter du déo.


Hélas, comme l’horreur ne marche pas, que le montage a été malmené par un trop plein de séquences creuses ne faisant pas bouger d’un pouce l’histoire et de séquences de flashback récupérées de scènes coupées du premier alors qu'on pensait que la boucle « enfance » serait définitivement bouclée, vous vous direz que ce chapitre 2 dure une heure de trop.


La touche drama vient nous sauver de la noyade des égouts où repose ce pauvre Georgie. La dramaturgie de « Ca », difficile de lui trouver quelconques défauts tant elle est en parfaite concordance avec le premier chapitre et le complète (en enchainant le même jour les deux films, l’effet est décuplé). Une belle définition de ce que représente l’amitié.


Un soin tout particulier a été effectué afin qu’on sente la différence de relation entre le club des ratés enfants et le club des ratés adultes. Tous ses amis soudés durant l’enfance puis dessoudés par les aléas de la vie, se retrouvent, doivent raviver la flamme de leur amitié, et réapprendre à se resolidifier pour mettre définitivement un terme à la menace qu’ils connaissent et bouffent leur existence. Le drame marche grâce au travail sur la psychologie des personnages, le jeu des acteurs, l’exploitation de leurs relations, et ses petits effets de ralentis utilisés au bon moment.



L’avantage quand on est un raté c’est qu’on peut tout réussir.



Au final, par son manque de touche personnelle en matière d’horreur, le coté prévisible de sa narration et ses nombreuses longueurs, la suite de « Ca » perd tout ce pour quoi le chapitre 1 était une réussite. Toutefois, difficile de détester ce chapitre 2. L’alchimie entre les acteurs et la construction de leurs personnages, la brève exploration fascinante des origines de Grippe-sou, le soin apporté à la bande originale, le coté psychologique et surtout le message sur l’amitié bien plus poignant que la deuxième partie du téléfilm de 90 permettent à Muschietti de ne pas détruire totalement ce qu’il a construit. Ca : Chapitre 2, mauvais film d’horreur, excellent drame sur l’amitié et les blessures du passé. La version supercut prévue sauvera-t-elle ce reboot?

Jay77
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le 14 sept. 2019

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Jay77

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