Suite au succès aussi bien public que critique du premier volet, le deuxième chapitre du remake de la saga «Ça» suscitait beaucoup d'intérêt et de curiosité. Toutes les attentes étaient permises. En effet, le succès populaire que représente le premier film fut aussi inattendu qu'inédit pour un film de cette envergure et la suite annoncée, avec un casting aussi alléchant, renchérissait à la table des plus grosses attentes de l'année. Mais malheureusement, une fois n'est pas coutume cette année, «Ça : chapitre 2» est une lourde déception qui ne convainc jamais pleinement.


«Ça» premier du nom était un mélange fort réussi entre ambiance pesante et comédie désopilante avec des adolescents attachants et cette réussite était en partie due à l'authenticité qui se dégageait du long-métrage. Mais suite au gigantesque succès que le film a connu, les producteurs n'ont pas regardé à la dépense et ont rallongé le budget de ce deuxième chapitre, laissant carte blanche au réalisateur et à son équipe : en résulte un film hors-de-contrôle, décousu et ruiné par la surenchère et le surplus d'effets spéciaux.


Frustrations et incompréhensions sont les produits de ce deuxième chapitre mis en demeure par sa propre ambition, l'ambition de faire plus, l'ambition de faire doublement plus effrayant, plus glauque, plus gore, toujours plus ; le tout à coup d'effets spéciaux invasifs qui surprennent par leur manque d'authenticité. Ainsi vint le problème majeur de «Ça : chapitre 2» : il a pour mission de faire mieux et croit pouvoir y parvenir par la surenchère et en y intégrant de multiples références. Il n'en est rien puisque c'était précisément la sincérité du premier long-métrage qui était tant appréciée avec son côté léger et son humour enfantin, et avec son ambiance pesante dénuée d'effets grandiloquents. Certes il avait quelques effets kitsch, mais c'est ce qui faisait son charme, tandis qu'ici cela alourdit bêtement le métrage qui décline visiblement vers le fantastique avec des créatures toutes plus numérisées les unes que les autres, toutes droit sorties de l'imaginaire de Guillermo del Toro.


Ce deuxième opus souffre de nombreux défauts dont également un manque étonnant de frayeurs, le clown étant quasi-absent des trois heures de film. Ses maigres apparitions sont très réussies car Bill Skarsgard a cerné le personnage et l'interprète encore une fois avec brio, mais lorsque le clown change d'apparence et qu'il apparaît sous différentes formes, les effets spéciaux changent la donne et fait basculer la terreur en péripéties spectaculaires, or ce n'était pas vraiment ce que nous attendions du long-métrage. Le schéma narratif étrange y est également pour quelque chose : la narration sépare les protagonistes dans la deuxième partie du métrage alors que la force même du premier film était l'unité que formait le club des ratés, qui est en partie perdue, hormis lors du final où ils se réunissent enfin, où nous ressentons une vraie cohésion et solidarité entre les acteurs et où l'alchimie fonctionne.


Alchimie qui, finalement, s'immisce vite entre les nouveaux acteurs. Ils ont certes grandi et les souvenirs se sont évanouis, mais l'affection qu'ils se vouent est toujours intacte. Visiblement, l'histoire d'amour entre Richie et Eddie continue de plus belle, toujours avec une très forte complicité, même s'ils semblent parfois dépassés par les événements - du film ou de la production, ça c'est à vous de voir. Cette si forte notion d'amitié est également incarnée par la complicité de ce cercle d'amis, les ratés comme ils disent, qui restent soudés et liés par leur amour l'un pour l'autre - et plus si affinités. Jessica Chastain est rayonnante et Bill Hader surprend, tandis que l'interprète adulte de Mike ne convainc pas tellement, expliquant son plan tordu sans grande efficacité ni conviction. Notons également que la superficialité des effets spéciaux affecte parfois même le jeu des acteurs qui ne savent trop comment réagir. Cependant, rares sont les si belles expressions de l'amitié de nos jours, et il est important de souligner l'émotion que chaque acteur nous procure jusqu'au dénouement si déchirant ; ponctué d'une certaine mélancolie et d'une nostalgie prononcée aux amitiés d'enfance qui ne s'arrêtent jamais vraiment, les souvenirs s'envolant au fil des années, mais la sympathie et l'amour éprouvés antan - rappelés lors de leur quête du souvenir, la base de l'intrigue - reste intacts.


Malgré tout, de nombreux problèmes subsistent dans le long-métrage et fait de lui une déception, dont notamment un climax sur-vitaminé et frôlant le ridicule à cause de la surexploitation de ses effets spéciaux, un manque d'exploitation du personnage de Bill et une morale plutôt douteuse, intégrant une scène à caractère homophobe en début de film mais dont nous n'avons aucune suite en cours de film - le personnage de Mike se rendant sur la scène du crime, nous aurions pu entendre une phrase dénonçant cette agression, alors qu'en l'état le film semble cautionner cette agression - alors que ce n'était bien évidemment pas son intention.


Toutefois, le côté technique reste impressionnant, l'augmentation du budget permettant également au réalisateur d'exprimer toute sa créativité, pour le meilleur et pour le pire certes, mais nous avons au moins droit à des scènes gothiques sympathiques, même si elles abusent encore une fois des effets spéciaux. Les travellings restent léchés et inspirés, la photographie travaillée - tout comme le montage qui propose des transitions impeccables - et l'aspect artistique globalement très inspiré pour ce deuxième volet.


Enfin, la durée de «Ça : chapitre 2» a longtemps fait débat. Produit inespéré pour les fans de la licence et argument péjoratif pour les détracteurs du diptyque, cette durée conséquente fut reprochée par les premiers retours critiques, pointant du doigt des longueurs injustifiées. En dépit de trouver le film long, cette narration - certes étrange - était nécessaire pour boucler la boucle et exploiter les personnages et leurs émotions au maximum, et même s'il met la peur trop de côté, permet d'aboutir sur ces adieux ô combien bouleversants.


En résulte en finalité un long-métrage savoureux pour les fans de la franchise - dont je fais parti, ce sont des adieux déchirants et forts en émotions pour quiconque affectionne un tant soit peu les personnages. Simplement, les attentes étaient élevées et la pression sûrement trop forte pour le réalisateur qui s'entête à vouloir faire mieux en versant trop dans le superficiel, provoquant un sentiment de déception et d'être submergé par ses ambitions, un peu à l'image de «Us» plus tôt dans l'année. «Ça : chapitre 2» reste en-deçà de son prédécesseur qui avait plus de cœur et qui donnait une image plus authentique, malgré ses bonnes intentions et son amour pour ses personnages.


12/20

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le 14 sept. 2019

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Mick1048

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