Haneke sait s'y prendre, en matière de film choc. Ses précédents Funny Games et La Pianiste sont deux films qui mettent particulièrement mal à l'aise. Caché est dans la même veine, suivant le principe de harcèlement de Funny Games, avec davantage de froideur, mais en étant à mon goût un peu moins abouti.
L'intrigue de Caché est très prenante. Ce film nous plonge dans une situation à la fois désarmante et désagréable qui pourrait arriver à n'importe qui. « Pourquoi » et « qui » tourmentent alors notre esprit comme celui des personnages. Et bien sûr, Haneke ne manquera pas l'occasion d'entretenir ce doute et ce malaise perpétuel.
Il y a cependant une chose qui ne fonctionne pas dans cette intrigue. Nous n'avons certes aucune idée de l'identité de l’instigateur des lettres, mais une chose est sûre : Daniel Auteuil fait fausse route. Ses soupçons sont une impasse, il est évident qu'il s'est forgé une idée fixe et qu'il n'en démord pas. Durant tout le film, Daniel Auteuil tourne en rond, ce qui neutralise tout sentiment d'enquête, minimisant l'accroche, et laissant peu d'espoir quant à la résolution de l'intrigue.
Concernant la fin du film, Haneke choisit donc la solution de facilité, mais aussi la meilleure qui s'offre à lui : ne pas conclure. Il fait alors le choix intrigant de laisser sous-entendre l'implication du fils du personnage de Daniel Auteuil, mais sans que rien ne soit explicite. Ça fonctionne très bien, surtout avec ce plan fixe particulièrement neutre.
Haneke use abondamment, dans ce film, de plans fixes à la fois neutres, froids et voyeurs, qui tantôt sont issus des cassettes, tantôt ne le sont pas, ou du moins pas explicitement : difficile de l'affirmer, dans un film qui laisse tant de place au doute.
La scène du suicide, point culminant du film, use également de ce procédé, installant alors une atmosphère glaciale et profondément déroutante. Le plan est long, placide, et rappelle cruellement la scène suivant le premier meurtre de Funny Games.
En s'appuyant sur quelques passages hautement percutants masquant quelques faiblesses scénaristiques, Caché reste assez captivant, et témoigne du savoir-faire de Haneke sans pour autant être l'un de ses films les plus marquants.