Je reste à la marge d'un cinéma qui n'est pas le mien. Il n'y a rien a analyser de ce côté là, c'est comme ça. C'est tout. Pourfendeur de la manipulation des foules, Haneke se régale à manipuler. Sous ses airs de cinéaste laissant faire le public (le plan final, frontal, long et détaillé), le laissant chercher les choses cachées, c'est d'une main de fer qu'il nous tient et en appelle à nos émotions. Il sait ce qu'il fait, c'est beau à voir et à subir. C'est un sadisme qui nous accorde un plaisir qui nous dégoute, que l'on répugne, révulse, rejette, puis apprivoise et au final, admire.
Ce qui le sauve du rejet total vient sans doute de ce côté cauchemar d'enfant qui accorde à l'œuvre une beauté à la fois trouble, évidente, moulée dans sa froideur et sa radicalité, presque poétique. Caché serait alors un film vu des yeux d'un enfant, ces mêmes yeux qui voient tout, scrutent tout, visitant le monde atroce des adultes et se demandant pourquoi, avec toujours, l'envie du jeu, l'envie de maîtrise, la cruauté et la perversité cachée sous un visage opaque. En cela le film semble se voir, se regarder, se considérer tel qu'il est, et se révèle passionnant.
Mise en scène inattaquable, Auteuil grandiose, rythme parfait, malaise qui se dessine, à l'écran et sur nos visages, nous poursuivant jusqu'à la fin : même en me laissant glisser, je reviens à la réalité. Haneke et son pessimisme ultra-souligné ont failli m'avoir, c'est pas passé loin. J'y trouve à la fois de la chance et du dégoût.