"Parce que c'était lui, parce que c'était moi."

"... Ne fais pas l'enfant..."
Elio a quitté le balcon et se dirige vers sa chambre. il s'arrête et écoute les bruits nocturnes dans le large couloir, où minuit a posé sa pénombre sereine. Derrière lui se dessine la silhouette élancée et tendue d'Oliver. Le temps est en suspension, la décision tacite.
D'incompréhensions en hésitations, les jours passent vite dans cette grande bâtisse du nord de l'Italie. Nous sommes au début des années 80. Mais qu'importe, le plus important c'est que l'été est là.
Elio, musicien surdoué et à fleur de peau de 17 ans, est le fils unique d'un couple d'universitaires nonchalants, qui accueille tous les étés des étudiants terminant leur thèse. On y parle l'anglais, le français, l'italien et l'allemand.
Arrive Oliver, un américain très séduisant, tactile et franc. Elio est immédiatement fasciné, vaguement ennuyé, mais surtout sur la défensive. Commence alors un ballet maladroit, un peu agressif parfois, puis de plus en plus lascif, jusqu'au basculement étonné mais dévorant.
Lucas Guadagnino a bien choisi son scénariste, James Ivory car celui-ci, en osmose avec l'auteur du livre André Aciman (qui joue un petit rôle) a imprimé sa "patte" sur ce film. Comme dans "Les vestiges du jour", il y a la délicatesse et la mélancolie des sentiments, la joie réprimée, le chagrin silencieux et l'attente, surtout et avant tout l'attente.
Le réalisateur a réussi sur deux points importants pour moi :
Une BO minimaliste. On écoute les bruits apaisants de l'eau, du vent, des discussions lointaines, le claquement des portes, le roulement des bicyclettes, les stridulations des hirondelles, et parsemant ces moments, quelques morceaux "vintages" et classiques bien choisis.
Les images où l'on sent littéralement les fragrances de l'été chaudes et moites, la douceur crayeuse des pierres bordant les bassins antiques, la fraîcheur de la maison, les odeurs venant de la cuisine, des vieux livres, de la cire d'abeilles, des fruits mûrs et tentants...
Armie Hammer et Timothée Chalamet sont attachants, le réalisateur les a voulu attirants et purs, mais pas exemptent de fêlures discrètes.
Michael Stuhlbarg est remarquable en père détendu mais véritablement attentif, comme il le prouvera avec une grande émotion. Amira Casar est une femme-mère chaleureuse et solaire, enveloppante et douce, les deux amies incarnées par Esther Garrel et Victoire du Bois, deux "nymphes terriennes", rieuses, joueuses, libres.
C'est pour moi un "film-mémoire", intemporel, sensitif et unique. Il serait dommage d'en faire une suite, monsieur Guadagnino...

Elisariel
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le 15 mars 2018

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Elisariel

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