"Words, don't come easy to me. How can I find a way to make you see I love you..."

Ma critique n’est absolument pas objective. Il s'agit juste de mon ressenti, ce que ce sentiment m’a procuré. Ce petit choc émotionnel. (Risque de spoilers)


Nord de l’Italie. Été 1983.
Architecture pittoresque, atmosphère chaude et moite, Elio, 17 ans, à l’allure d'éphèbe passe ses vacances à sortir avec ses amis (flirter avec son amie Marzia), à airer, lire et composer de la musique au piano dans ce pavillon familial où diverses langues résonnent à travers les murs et où objets d’art et livres de la littérature classiques ornent ce magnifique havre de paix.


Son père, américain d’origine, professeur d’archéologie et de la culture gréco-romaine et sa mère franco-italienne, traductrice de profession, accueillent chaque été un étudiant universitaire pour l’aider à préparer son doctorat auprès du professeur. L’arrivée du jeune Oliver, charmant américain de 25 ans, au physique athlétique et viril,- comme ces sculptures divines, va venir quelque peu perturber la tranquillité d’Elio et éveiller en lui une nouvelle forme de désir…


Agacé et déconcerté dans un premier temps par cette assurance et cette nonchalance assumée de l’autre, Elio passe ses journées à observer Oliver du coin de l’œil.
Des après-midis à rêvasser, à siroter des jus de fruits et à bouquiner autour de la piscine, aux balades à vélo dans les rues de la ville, leurs chambres séparées par la salle de bain laissant place à l’imagination chez le spectateur... l’hostilité des premiers jours laisse place à une amitié naissante entre les deux garçons.


Une journée parmi d’autres… Une longue journée brûlante, le chant des cigales et la fontaine qui ruisselle en fond, un soleil tapant qui fait transpirer les torses des garçons jouant au volley. Un premier geste de l’un envers l’autre, un premier effleurement, un premier rapprochement et une consternation pour Elio. Signe ou interprétation ?
Peu à peu les interrogations subsistent et les peurs prennent le dessus.
On ressent très vite les sentiments qu’Elio éprouve envers Oliver, à travers ses regards, ses gestes, ses silences, ses doutes et évidemment lorsque les paroles du morceau de Sufjan Stevens "Futile Devices" viennent se poser sur les images comme un écho à ce récit poétique.
L’un, plus distant, tout en transparence et en retenu, face à l’autre en plein questionnement et éveil sexuel.



« Mrs Perlman : Is it better to speak or to die ?
Elio : - I'll never have the courage to ask a question like that. »



Le premier pas timide d’Elio, face à l’appréhension de l’autre.
L’étonnement d’Oliver, non sans cacher la satisfaction de cet aveu de l’autre. C’est le temps du grand bouleversement.
Des baisers timides dans la campagne italienne, le rejet puis l’apprivoisement de l’autre, la tension, la sensualité, la passion d'une nuit d’été, les premières sensations de liberté et le temps de l’acceptation. Les corps ne faisant plus qu’un.
Une connexion simple et douce où le spectateur se laisse transporter par leurs échanges jusqu’au fatidique départ d’Oliver.


Le film prend le temps de s’installer et de se construire pour mieux nous conquérir. On assiste à cette idylle naissante, filmée tout en délicatesse et en finesse sans jamais tomber dans la niaiserie.
Le duo interprété par Armie Hammer et Timothée Chalamet transpire de vérité. Cette complicité et cette alchimie hors écran, se fait clairement ressentir dans leur jeu. Tout semble naturel. C’est émouvant, jamais pathos.


Le cadre y est idyllique, et y joue son importance. La photographie est belle, sans pourtant trop en faire. Classique, juste ce qu'il faut.
Le film m'a beaucoup fait pensé à cette trilogie de Linklater "Before Sunrise/Before Sunset/Before Midnight" sur certains aspects. Ce sentiment que j'avais ressenti à l'époque avec Before Sunrise a été un peu le même ici. D'ailleurs, Guadagnino, le réalisateur serait prêt à explorer cette piste de la même façon.


La beauté de ce film réside également dans l’attitude des personnages secondaires. Le sujet de l’homosexualité est traité intelligemment, sans préjugé quelconque.
La pêche, des shorts mouillés, les figures antiques, renvoient explicitement à l'appel du désir. La sensualité est suggérée tout au long du film mais avec pudeur.
Le père d’Elio assiste tel un spectateur à cet amour grandissant et fait face au chagrin de son fils. Bienveillant, tolérant et compréhensif, ce monologue qu’il nous livre à la fin du film est d’une profondeur déconcertante et résonnera sûrement chez beaucoup de personnes.


La scène finale, ce coup de fil qui retentit pendant un hiver qui semble glacial comme la nouvelle qu'Oliver vient d'annoncer, nous laisse entrevoir que malgré tout, tout ne semble pas terminé entre les deux personnages. Que cet été était bien plus que ça. Et on nous laisse seuls, face à face, yeux dans les yeux avec le désespoir d’Elio. Impossible de rester impassible devant cette scène émouvante où s'installent doucement les premières notes du morceau "Visions of Gideon" dans notre tête.
Voyage et mélancolie à l’état pur, renvoyant à chacun ses propres souvenirs et son vécu.


« Call me by your name and I call you by mine. Oliver – Elio / Elio - Oliver »

alx_b
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le 15 mars 2018

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Alx B

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