Pour l’italien Luca Guadagnino, il existe une affinité entre la sensualité et la sexualité. Il le puise avec tendresse, comme il a su le faire dans « Amore ». Cette fois-ci, il adapte le roman d’André Aciman, où le fruit d’une passion va naître dans une grande subtilité. Les humains font face à des contradictions qu’ils ne peuvent refouler très longtemps, du moins intérieurement. Et c’est sur cette frontière que le film applique son point de vue méthodique, sur ce que le fantasme génère et sur ce que la réalité nous laissera pour nous consoler. Mais passer derrière « Le Secret de Brokeback Mountain », « 120 Battements Par Minutes » ou le récent « Moonlight », il serait difficile d’étudier davantage le fond d’un amour tabou depuis quelques générations. Mais à présent, cueillir la liberté de vivre et la vivre immédiatement, voilà où se situe le parcours des héros.
Le récit ne s’attarde pas sur les valeurs de l’homosexualité, comme nous pourrions l’attendre. On insiste sur le message universel de l’éveil de l’amour. On conte cette confusion qui s’empare d’une chair, de cette hésitation qui s’empare d’un souvenir brûlant. Le jeune Elio (Timothée Chalamet) est victime de cet artifice, de ce premier amour qui orientera à jamais son cœur vers son âme sœur. Cependant, ce personnage est mis à l’épreuve avant de pouvoir prétendre à ce sentiment qu’il ne saurait contrôler et c’est ce qu’il y a de jubilatoire dans le développement de sa psychologie. Sa personnalité prend aussi un coup afin de s’aventurer dans les prémices de la maturité. Mais ce qui nous intéresse, c’est bien le passage dans la folie, où il tente toutes les expériences afin de sortir du registre pudique qui le protégeait. C’est sans compter sur l’arrivée du doctorant Américain auprès de son père qu’il adoptera une vision bien simpliste de ce que représente l’amour à l’état pur. Sans concessions, sans contraintes, sans gêne, c’est le coup de foudre.
L’œuvre se souhaite sensorielle, donc il faudra de l’ouverture d’esprit afin de marquer chaque esprit. À partir de là, il sera possible de sentir le soleil italien nous caresser. Nous nous remettrons alors en question sur les pulsions qui nous ont guidées au moins une fois dans cette vie et encore dans plein d’autres. Il est question de savoir s’assumer et d’ajuster ses désirs à l’autre moitié. C’est ce qu’on découvre auprès de l’expérience d’Oliver (Armie Hammer), qui a beau souffrir des mêmes sentiments qu’Elio, mais qui aura une certaine retenue, ce qui rendra leur relation plus poignante. Chacun partage son ressenti, à travers une leçon de piano ou d’une sortie de pêche. On trouvera certes des longueurs qui ne renforcent pas toujours le non-dit, mais lorsqu’il est très efficace, il n’y aura que la respiration et le regard surchargé de chacun pour nous faire comprendre que rien ne peut les arrêter dans cette bulle intemporelle.
Il n’est donc pas difficile de comprendre l’audace de « Call Me By Your Name », mais le sujet peut tourner en rond en sa défaveur, faute de timing ou de narration qui perd en intensité à ces moments où le seuil du flirt est largement dépassé. Il faudra tout de même s’accorder sur le dénouement qui sublime ce temps passé, à visionner cette intrigue qui aura fait tout son possible de nous ressemble autour de l’arbre de la passion. On en viendrait à regretter, en se remémorant ce qui est perdu et ce qui nous a plu.