Faire un film sur une romance homosexuelle en fait-il forcément un classique ? Le visionnage de Call Me By Your Name me fait répondre par la négative.
On peut filmer une romance adolescente plutôt banale et en faire un bon film si on la traite avec le bon angle : faut-il laisser place à la subtilité, faire des métaphores visuelles et des sous-entendus dans les dialogues ? Ou faut-il montrer explicitement les émois sexuels des différents personnages ? Le réalisateur Luca Guadagnino fait le choix de ne rien choisir du tout et de laisser les choses se passer. Résultat : on s'ennuie. Beaucoup. On s'ennuie en regardant un joli décor, sous un beau soleil estival, mais on s'ennuie quand même.
Devant la vacuité du scénario, le spectateur se crée son propre suspense : que va-t-il se passer lorsque l'homosexualité du personnage sera révélée à sa famille ? Ou lorsque Marzia, sa petite copine, va découvrir cette relation cachée ? Eh bien je vous le spoile ci-dessous :
Rien. Il ne se passe rien. Le papa le prend bien et raconte qu'il lui est arrivé presque la même chose dans un long monologue moraliste et caricatural. Marzia, la petite copine, ne s'aperçoit de rien, Elio la quitte sans explications et elle vient chouiner pour qu'ils restent en bons termes. La maman le sait aussi à la fin mais on s'en fout.
À quoi peut-on donc se raccrocher pour apprécier le film ? Certainement pas à ses personnages, clichés de gros bourges horripilants. On a envie de mettre des baffes à Oliver à chaque réplique dès le tout début. Élio, quant à lui, est un ado en plein conflit intérieur - comme tous les ados, sauf que lui est installé pour l'été dans une grosse villa du Nord de l'Italie et trimballe ledit conflit intérieur entre la boum du village et les baignades dans la rivière locale, pauvre petit.
L'évolution de la relation avec Marzia me semble beaucoup plus intéressante que le sujet principal du film. On voit d'abord les premiers gestes de drague, les premiers baisers et l'évolution de leur relation. Ça n'a rien d'original, mais comme c'est la seule personne sympathique du film, on a beaucoup plus d'empathie pour elle que pour Élio. En fait, la relation entre Élio et Marzia est beaucoup mieux traitée qu'entre Élio et Oliver, mais ça n'était manifestement pas le propos du film parce qu'on s'y attarde assez peu.
Le traitement de la sexualité n'est pas non plus une réussite. Encore un peu de spoil :
L'une des rares scènes de sexe entre Élio et Oliver se finit avec un lent travelling sur la fenêtre, comme dans les clichés les plus éculés (vous l'avez bien lu) du cinéma romantique. La Cité de la Peur parodiait ce mouvement de caméra en finissant par filmer un documentaire animalier montrant la fornication d'éléphants, ou de rhinocéros, je ne sais plus. On a aussi la scène d'Élio à quatre pattes la tête dans un bermuda, qui nous fait nous demander comment une scène pourrait être plus ridicule, mais c'est parce qu'on n'est pas encore arrivé à la scène de la pêche.
Sérieusement, il ne se passe absolument rien dans le film qui ne soit pas déjà contenu dans la bande-annonce, le fond est vide et la forme est pathétique. Puisqu'il faut décerner une note, je mets quand même 3 points pour les cadres et le traitement de la lumière, rien à dire de ce côté. On a bien envie d'être en été pour aller nous-mêmes ne rien faire dans une chaise longue au bord d'une rivière au lieu de s'infliger de tels "chefs-d'œuvre".