"Call Me By Your Name" a tous les atours du film chiant et le début est particulièrement chiant : des vélos, une famille sophistiquée polyglotte, des bâtiments en pierre typiques des quartiers ancestraux de la douce Italie, des fruits, la canicule, l'eau, les oiseaux...
Et puis la révélation opère et entraîne dans son sillage un tourbillon obsédant : beaucoup ont parlé de la scène de la gare qui, il est vrai, est une occasion pour le spectateur de ne pas s'empêcher de verser quelques larmes. Ou encore le superbe plan rapproché où Elio se consume (avant de renaître ?) devant la cheminée. Mais je tiens vraiment à rendre un hommage poignant à la séquence de la place. D'une profondeur insondable, elle va sceller le destin des deux personnages principaux. Ici, Elio déclare son amour avec tout ce qu'exige l'Arte à l'italienne. Alors certes, on peut se méfier grandement de l'extrême perspicacité d'Elio, trop mûr à mes yeux pour son âge mais dès qu'il lance le fameux "Because i wanted you to know", on sent directement que le film va basculer. Ce piano que je ne parviens plus à sortir de ma tête occupe l'espace cinématographique et tend vers le sublime en respectant la statue commémorative de la Bataille du Piave... Ce qui était de l'ordre du mesuré et de la bonne tenue, éclate enfin.
Le film devient un monstre et parvient, contre attente et sans que je m'en aperçoive, à titiller ma cinéphilie et à croire de nouveau en la puissance du cinéma. Car après mon départ de Senscritique, je pensais avoir tout vu, tout ressenti.
Le film, s'il est l'adaptation d'un roman, n'oublie pas ses origines. Alors je ne sais pas si c'est voulu ou non mais il y a dans "Call Me By Your Name" un peu de "Mort à Venise" de Visconti. Cette même quête de la beauté, de l'Art et du rapport que l'on peut entretenir avec lui. Il peut élever l'Homme, l'initier à vivre des expériences exceptionnelles mais à trop vouloir rechercher l'absolu, il peut mener au désespoir, à l'amertume, à l'insatisfaction.
Peu à peu, on assiste abasourdis à la lente et terrible construction de nos deux amoureux. Entre rejet et addiction corporelle, valses crues et illuminations intellectuelles,... Je suis sorti de ce magma lessivé, estomaqué par l'intense voyage vécu. Je me souvenais tout à coup de mes périodes de vacances, de ces amours interdits, de l'innocence brisée que l'on aurait voulu préserver toute notre vie. Mais cette dernière se doit d'être rompue devant la réalité qu'est ce volcan qui sommeille en nous et nous pousse à agir sans aucun libre arbitre.
Parce qu'incontestablement pour moi, "Call Me By Your Name" est aussi le film qui met en évidence la place centrale des parents. Peu présents et mis en avant dans l'intrigue, ils posent un voile bienveillant empli de bonté sur leur fils, quitte par amour, à accepter de le laisser partir quelques jours en excursion avec Oliver (fantastique Armie Hammer, magnétique et froid à souhait). N'est-ce pas là la plus belle des déclarations d'amour ? La plus belle des preuves que le bonheur de leur fils passe avant tout ? Le dernier entretien avec le père ne fait que conforter mon opinion tant ce dernier est désarmant. C'est cet amour des hommes, sincère, transcendant et pur qui achève d'accompagner ce film dans le cercle très fermé des chefs-d'oeuvre.