Camille Claudel, une de ces artistes qu'on admire au travers du voile d'erreurs que leur douleur leur a fait commettre. Difficile de « statuer » sur une forme préférable de film biographique. Nuytten choisit d'y placer sa compagne Isabelle Adjani et de prendre une partie de l'histoire à l'envers : son personnage est tout entier constitué dès qu'on s'attelle à son histoire, de sorte qu'on est un peu précipités dans la relation de l'artiste avec Rodin, comme si leur œuvre était banale et leurs personnes accessibles. Des effets qui sont entretenus et qu'il eut mieux fait d'attribuer à leur création sur le long terme.
Persistant dans la non contextualisation rendant le défilement des années invisible et monotone, Nuytten s'attache toutefois la crédibilité d'Adjani, troublante de sincérité dans une maladie qu'on ne nomme pas et qu'on condamne sans étudier, à la façon de l'époque. Alain Cuny aussi est captivant dans son interprétation d'un père dont les erreurs à l'écran sont bien dosées (son expérience de rôles claudeliens – frère – est presque palpable) ; sa diction d'une voix qui souffle imprime à la fois peine et impression dans un scénario qui, au moins, a le soin de sa propre évolution.
Dommage cependant que les rebondissements paraissent s'excuser d'exister. On croirait sentir une hésitation sur l'écriture, avec Depardieu qui s'éclipse un peu trop vite, le mal qui frappe non seulement sans prévenir mais sans s'expliquer, et les petites gaffes de jeu qui sont présentes au début mais pas à la fin. Par contre, le fil n'est clairement pas vide de son sujet, la sculpture, et l'on en sera ravi. Quelle discipline mieux que le cinéma peut traduire le deuxième art et ses formes immobiles qui ne s'expriment que par le mouvement de son observation ? Ça, Nuytten l'a bien compris.
Quantième Art