Camille redouble par Teklow13

Le film de Noémie Lvovsky à première vue est un remake du Peggy Sue de Coppola. Le film repose sur un même concept et sur un fond d'histoire identique. Tout part donc d'une idée de scénario : le 31 décembre, Camille (Noémie Lvovsky) la quarantaine, vient de se séparer de son mari (son amour d'enfance rencontré à ses 16 ans). Elle boit pour oublier, un peu trop, et lors des 12 coups de minuits elle tombe dans les pommes...pour se réveiller quelques années plus tôt dans son corps de 16 ans. L'idée de scénario devient alors une image forte de mise en scène : Camille, que les autres personnages (ses parents, ses amis,...) voient évidemment dans son corps de 16 ans, est incarnée dans le plan par la même Noémie Lvovsky. C'est vraiment l'image pilier du film, celle qui synthétise le concept, amène les effets comiques, les bizarreries aussi mais aussi joue à la frontière avec quelque chose de presque malsain.
La cinéaste ne se contente toutefois pas d'une simple adaptation du Coppola, elle amène le film dans une toute autre direction, met en place son propre univers, et surtout elle semble donner beaucoup d'elle-même là-dedans, n'hésitant pas à jouer à la fois de son physique tout en dévoilant une partie émouvante de son intimité.
Elle a surtout réussi à donner à son film un ton très particulier, un point précis qui serait à la jonction parfaite entre fantaisie et mélancolie, entre le côté ludique et enfantin de la fable et un malaise plus profond. Ainsi le film a l'élégance de ne jamais tomber dans des excès, ni de farce ni de mélodrame, tout se joue dans des petits moments étonnants mi-ridicules mi-bouleversants, mi-enfant mi-adulte, comme celui où elle demande à ses parents de faire la promesse de ne jamais mourir.
Outre Peggy Sue, son côté fantastique rejoint des films comme Un jour sans fin, Retour vers le Futur. Elle a même son savant fou, ici un horloger, étonnant Jean-Pierre Léaud, qui permet le retour dans le temps. Il y a le côté mélancolique et amusant d'un retour à une époque, l'ambiance 80's, les habits, les musiques, ... Mais tout ça est en fait au service d'un propos plus profond.
C'est la remise en question d'une femme de quarante ans, qui s'aperçoit lorsque son mari la quitte, qu'elle n'a connu que lui, qu'elle est peut être passé à côté d'autres choses, raté des pistes qui se sont peut être offertes à elle. Le fait qu'elle retourne à cet âge très précis de 16 ans n'est pas anodin, c'est à ce point d'ancrage et en l'espace de quelques mois, qu'elle a rencontré son mari, qu'elle est tombé enceinte et que sa mère s'en est allé. La désillusion amoureuse se mêle alors à une autre douleur, celle de n'avoir pas eu l'impression de témoigner son amour à sa mère, et celle de ne lui avoir jamais dit qu'elle attendait alors un enfant. Son film est le geste simple et émouvant d'un au revoir.
Noémie Lvovsky actrice est formidable là-dedans, bien entourée de toute une troupe d'acteurs qui le sont tout autant : Yolande Moreau et Michel Vuillermoz (les parents de Camille), Léaud, Amalric, Podalydès, Vincent Lacoste, Samir Guesmi,Riad Sattouf,...
J'en suis sorti avec l'impression d'avoir vu un joli petit film, mais il me trotte de plus en plus en tête. Derrière le procédé et la fantaisie de l'ensemble, il y a une réflexion sur la perte, que Lvovsky amène sans avoir l'impression d'y toucher, qui ne fait pas forcément effet immédiatement, mais qui s'avère assez bouleversant.