Le cinquième film de la comédienne réalisatrice Noémie Lvovsky prend la forme d’un conte fantastique où la science-fiction (le recul dans le temps) se mêle à la comédie (le décalage temporel puisque la réalisatrice campe elle-même l’adolescente qu’elle était à seize ans) et surtout à une certaine gravité habitée de psychanalyse et de philosophie. Qui en en effet n’a jamais rêvé de revenir en arrière, d’avoir prise sur le cours des événements en espérant le modifier et ainsi empêcher les drames. En revenant vingt-trois ans en arrière, Camille reprend pied dans la période la plus cruciale de son existence, celle où se joue son destin : la rencontre avec l’unique amour de sa vie et la mort subite de sa mère après qu’elle lui a appris qu’elle était enceinte. Le film n’ambitionne pas de modifier le cours inexorable des choses mais plutôt de réfléchir à l’attitude qu’on pourrait adopter sachant qu’elles vont immanquablement se produire. Ce sont les voix et les mots qui prennent ici une importance nouvelle et inattendue. Les voix que Camille s’empresse d’enregistrer dans la captation douce et attentive de la chanson de Barbara et les mots d’amour et d’attention qu’elle adresse à celle dont elle connait la fin prochaine. Dans ces instants de délicatesse, de presque rien saisi par effraction, le film est effectivement déchirant et bouleversant. Pas suffisamment naïve pour croire qu’on puisse réécrire le passé, Noémie Lvovsky envisage d’abord le retour en arrière comme le vecteur de la réconciliation et de l’apaisement. Cependant, le film n’est pas que grave ni mélancolique et réserve au demeurant quelques belles plages drôles et légères où la réalisatrice des Sentiments prouve une fois encore sa capacité à sonder les bandes d’adolescentes, les complicités entre filles qui ne se font guère de cadeaux sur leur physique respectif, mais n’en demeurent pas moins inséparables. C’est aussi un film frais et coloré, extrêmement énergique où la bonne humeur de la comédienne principale semble s’être communiquée à l’ensemble des acteurs. On y sent également un esprit frondeur et libre, s’affranchissant des formats habituels des comédies, en parvenant du coup à rendre crédible le curieux accident de Camille. Mais d’évidence c’est l’atmosphère mélancolique et nostalgique qui envahit l’esprit du spectateur et qui ne le quittera pas de sitôt. Œuvre personnelle et teintée d’autobiographie, Camille redouble s’inscrit bien dans la maturité d’une artiste à l’intelligence pétillante et communicative.
PatrickBraganti
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le 18 sept. 2012

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