"Hollow", c'est le creux, le VIDE...
"Ghost", c'est le fantôme, l'immatérialité, l' INCONSISTANCE...


Cannibal Holocaust, c'est tout cela, et pire encore...


Il convoque à ce point la veulerie (et s'y inscrit si bien) que je soupçonne même ses responsables d'avoir fait appel au mot "Holocaust"* afin de profiter du succès de la série TV du même nom sur la Shoah (avec Meryl Streep et James Woods) diffusée deux ans auparavant aux États-Unis --- et plus tard, dans une vingtaine de pays.


Le plus navrant est qu'il y ait autant d'individus pour faire montre d'indulgence envers cette... chose, certains estimant (ou répétant) que Deodato livre un discours sur la violence, le sensationnalisme journalistique, Culture VS Nature...


Un discours qui tiendrait sur un ongle arraché, alors.
Et pour ce qui est de la cohérence interne de ce pseudo-discours ! ... S'abaisser dans l'abject (animaux tourmentés 'pour-de-vrai') pour dénoncer l'abject. Toute honte bue.


C'est d'ailleurs forts de cette certitude --- il y aura toujours des naïfs, des abrutis et des voyous intellectuels pour justifier l'Injustifiable --- que quantités d' "artistes sans art" (Jean-Philippe Domecq**) se saisissent d'un pinceau, d'un micro, d'une caméra...



Mesure-ton bien la restriction des facultés réflexives sensibles et imaginatives, la fermeture d'esprit et de désir que de telles œuvres entraînent, et la responsabilité qu'on a prise pour l'avenir ? Sent-on bien que ce n'est pas sans conséquences qu'on soumet le boîtier crânien à pareilles œillères, et qu'on y soumet d'autant plus efficacement qu'on le fait avec les meilleures intentions démocratiques du monde ? ( Jean-Philippe Domecq, Misère de l'art : Essai sur le dernier demi-siècle de création )



Ce qu'écrivait Domecq à propos de la "peinture" et de la "sculpture" contemporaines vaut plus encore pour le cinéma, art populaire. Permettre, comme aujourd'hui, que l'on se gave de plus en plus de conneries n'est pas sans risque.



Et revendiquer le "plaisir coupable" n'y change rien...



J'ai lu sur Sens Critique les controverses suscitées par certains films comme celui-ci.


J'ai bien peur que bon nombre des internautes légitimement offusqués par certaines images (tout particulièrement celles de ces bêtes torturées) affectionnent pourtant le De gustibus et coloribus non disputandum...


Le relativisme (qu'il soit moral, culturel...) ne supporte pas la tiédeur.
Impossible en effet de couper court à un semblant de débat en balançant 'Chacun ses goûts !', puis de dire à propos du film de Deodato : "Ah si... là... quand même..."
Défendre la subjectivité en matière de création et d'appréciation artistiques suppose de faire profil bas lorsque se pointent des déchets comme Cannibal Holocaust.


Je persiste pour ma part à considérer que même les films appartenant à des genres infiniment moins exigeants n'échappent pas aux critères objectifs d'appréciation : scénario, mise en scène, direction d'acteurs, interprétation, montage, photographie, costumes, musique, discours...


Une fois passé par cette grille de lecture --- qui encore une fois pondère en fonction du genre (ici, par exemple, l'importance des costumes est à revoir à la baisse !) --- Cannibal Holocaust ne représente artistiquement et intellectuellement... strictement RIEN.


On comprendra toutefois qu'un individu ignorant les classiques du cinéma américain, italien, français, russe... --- et ne "kiffant" que les films-burgers actuels grouillant de zombies et de super-héros --- puisse trouver de quoi satisfaire son bel appétit dans la poubelle de Deodato.


On comprendra aussi que le vieux bourgeois éduqué s'encanaillant --- après avoir piteusement pissé sur Lawrence d'Arabie (une tarlouze sur un dromadaire !) --- se tire sur l'élastique de la subversion en proclamant/prétendant adorer une merde.



Le cinéma fabrique des souvenirs, alors que la télévision fabrique de l’oubli. ( J.-L. Godard )



Le cinéma a rejoint la télévision ; sitôt consommé; sitôt digéré... et bientôt chié.


Sans surprise, Cannibal Holocaust a été noté cinq fois plus (7,5K) que l'exceptionnel Hold the Dark (1,5K). Malgré ce désintérêt, le bijou de Jeremy Saulnier parvient à dépasser d'une courte tête l'immonde merdasse : 5,8/10 (contre 5,4/10).


Espoir, alors ?
Non, bien sûr.



Tarantino fera toujours plus d'entrées que Malick...



*Au Québec, le film est sorti sous le titre L'Enfer des cannibales.


** Le titre du livre de J.-P. Domecq comporte un point d'interrogation : Artistes sans art ? (10/18, 2005). Superflu.

Arnaud-Fioutieur
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le 12 mars 2020

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