Fritz Lang a réalisé ce film d'espionnage juste à la sortie de la guerre en 1946 alors que l'action se passe dans les derniers mois de la guerre. Autant dire que le plat était encore chaud.
Le scénario décrit la récupération de savants atomistes allemand et/ou italien pour empêcher les nazis de réaliser la bombe atomique. Un savant atomiste américain est improvisé espion pour approcher ces savants et les exfiltrer vers les USA.
Le rôle du savant américain est joué par Gary Cooper qui, par méconnaissance du métier d'espion, commet inconsciemment des erreurs le plaçant dans des situations plutôt précaires et entrainant indirectement la mort de la savante allemande notamment. Le jeu de Gary Cooper est, de ce fait, très crédible. On n'est pas chez James Bond : là, l'erreur, se paye cash et l'objectif n'est pas sûr du tout d'être atteint.
Débarqué brutalement des Etats-Unis, il découvre la vie difficile des pays sous la férule nazie où l'alimentation est rationnée, où les chats finissent plus volontiers dans une casserole que comme animaux de compagnie et où la vie des gens notamment clandestins est précaire et constamment sujette à dénonciation.
Comme d'habitude chez Fritz Lang, le film est sous haute tension entrecoupé par de délicieuses scènes de naissance d'un amour qui ne veut pas bien s'avouer tant l'avenir est incertain entre Gary Cooper et la résistante, Gina, chargée de l'héberger et de le conduire (personnage magistralement joué par Lilli Palmer).
Chez Fritz Lang, il n'y a pas de hasard accommodant. Si un évènement surgit inopinément, le Destin se met inexorablement en marche pour aller dans le sens qui n'est pas souhaité. C'est toujours la loi de Murphy dite aussi loi de "l'emmerdement maximum" qui mène le jeu. Exemple anodin du chat qui miaule dans la nuit et que Gary Cooper obtient de protéger et de nourrir contre l'avis de Gina qui a oublié ce type de sensiblerie. Le lendemain matin, le propriétaire du chat vient le récupérer mais, pénétrant dans l'appartement se casse le nez sur Gary Cooper, par un "hasard" mal fait. Gina tente de rattraper la situation. Mais c'est foutu. Il n'y a pas de possibilité positive car l'homme est, en fait, le concierge et doit rendre compte chaque jour à la police. Il ne reste plus que la fuite.
Le personnage de Gina (Lilli Palmer) est très intéressant. D'un côté on voit cette résistante abattre brutalement un garde avec un poignard ou bien raconter avoir eu à se commettre dans des actes ignominieux pour la bonne cause, de l'autre côté, on voit sa féminité, à fleur de peau, ressortir mais sans espoir avec des rêves correspondant à une vie heureuse d'avant le conflit. La brève idylle entre Gary Cooper et elle est porteuse d'espoir tout en sachant pertinemment qu'il est très probable qu'il n'y ait pas d'après-guerre ou encore qu'à force de perdre son âme, on finit par y laisser la vie.
Des scènes très fortes anthologiques comme l'assassinat dans le silence d'un policier gestapiste par Gary Cooper et Lilli Palmer, scène très pénible tant la victoire semble incertaine. Avec en prime, un clin d'œil à "M le maudit" avec le ballon d'un enfant qui roule vers le cadavre. On reverra une séance du même type chez Hitchcock bien plus tard dans "le rideau déchiré"…
Film très fort et très noir qui ne peut pas laisser indifférent.

JeanG55
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le 10 févr. 2021

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JeanG55

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