Avec un tel titre et une telle affiche, ce troisième Captain America semblait définitivement menacé par une éclipse aux accents d'Avengers, un passage au second plan de sa propre franchise au profit d'un collectif chancelant, surtout au terme d'une Ere d'Ultron qui s'est révélée dévastatrice.


Mais dès les premières minutes, ce Civil War se définit comme un véritable nouveau chapitre du Captain. En tout cas, tel que les Russo Brothers l'on dépeint à l'occasion d'un solide et très agréable Soldat de l'Hiver qui se paraît des atours du film d'espionnage et de paranoïa des années soixante dix. L'oeuvre renoue ainsi avec cet aspect, et ce de superbe manière, tout en ajoutant une saveur Jason Bourne dans ces affrontements en espaces confinés et dans sa caméra portée, ou encore dans les courses-poursuites à pied, à moto ou en voiture. L'identité si particulière de ce Captain America : Le Soldat de l'Hiver a donc été conservée avec un soin jaloux. Tout en la magnifiant, tout en la conjuguant avec d'autres caractéristiques du Marvel Cinematic Universe, tout en ouvrant la porte à de nouvelles têtes en évitant la plupart du temps qu'elles n'arrivent dans les équipes rivales comme un cheveu sur la soupe ou de manière purement gratuite. Presque. J'y reviendrai.


Civil War est donc tout d'abord un véritable Captain America, dont il élargit un peu plus l'univers et permet la définition d'une véritable Cap' Family. Bucky devient un véritable personnage tragique donné en sacrifice, tandis que Falcon et Sharon Carter forment l'environnement direct du super soldat, qui voit par ailleurs deux de ses ennemis les plus acharnés, Crossbones et Zemo, entrer en scène. Dommage que le premier ne fasse finalement que passer, tant il constituait dans le premier quart d'heure un opposant à la mesure de Cap', aux faux airs de Bane, et capable de nourrir un film à lui tout seul. Zemo, lui, est bien exploité, mais a tendance à passer sous le radar au vu de tous les enjeux que les frères Russo doivent gérer de front dans un même long métrage, tâche dont ils s'acquittent avec panache.


Car plus qu'un ennemi clairement identifié, ici, la menace est intérieure. Car l'équipe super héroïque, déjà clairement mise à rude épreuve par Ultron et qui n'a finalement réussi à conjuguer ses efforts que lors du final d'Avengers premier du nom, éclatera littéralement dans la tentative de contrôle des interventions de ses membres. Mais là où L'Ere d'Ultron peinait à insuffler du coeur à ses péripéties et ses prouesses pyrotechniques, Civil War réussit quant à lui à questionner la culpabilité de certains protagonistes, les conséquences des interventions ou tout simplement leur bien fondé au regard du bien ou de la moralité. Civil War permet ainsi de jeter un regard neuf sur Captain America et son jusqu'au boutisme pourtant conforme à son code moral, tandis que Tony Stark, lui, ne change pas d'un pouce dans cette partie du scénario.


Mais là où les frères Russo sont forts, c'est qu'ils se servent de cette base crossover comics bien connue pour porter finalement les enjeux dramatiques à un tout autre niveau que celui d'une simple baston dans la cour à la sortie du lycée et relative à un minable bout de papier. Car Civil War dépasse rapidement cette première pierre d'achoppement pour porter le Winter Soldier comme véritable pierre angulaire du récit, signant à la fois l'acte de naissance et l'introduction de Black Panther dans le MCU, la première pomme de discorde entre Cap' et Iron Man, la "radicalisation" du super soldat, mais aussi la cristallisation d'un enjeu dramatique fort dans le chef de Tony Stark, lui permettant ainsi de passer du statut de salaud à celui de personnage fragile et humain, enfin départi de son cynisme. Tout le contraire de Cap' Am', en somme.


Malgré la tonne d'enjeux développés plus ou moins avoués, Anthony et Joe Russo ont tout bon. Ils gèrent tout cela, et plus encore, de main de maître, à commencer par l'apparition des nouveaux personnages. Black Panther ne pouvait rêver mieux comme introduction, aussi jusqu'au boutiste que le Captain tout en empruntant à Iron Man son sens de la ruse. Spider-Man, lui, rassure, puisqu'au final, son nouveau costume déchire et que l'on renoue ici avec sa gouaille vanneuse sur développée, même pendant les combats. Cependant, l'ajout semble avoir été décidé en dernière minute, tant sa première apparition semble arriver comme une greffe hâtive. Mais l'essence du personnage est conservée, jusqu'à son style de combat ultra bondissant. Et son costume a finalement une sacrée classe, même s'il pouvait apparaître, dans la dernière bande annonce, comme tout droit issu d'une production Roger Corman anémique et fauchée.


Les Russo Bros font même du rab en dessinant les contours de la future relation Vision / Scarlet Witch, conforme aux comics d'origine, les apparitions des multiples super héros qui auront tous droit à leur moment de gloire, tout en enquillant dans un équilibre miraculeux les scènes "posées" et l'action souvent décoiffante (les quinze premières minutes avec Crossbones, la course poursuite de Bucky), parfois totalement incroyable, comme ce climax à mi-film dans l'aéroport abandonné, exemple de gestion des personnages et d'apport typé Avengers première période maîtrisé pour un spectacle total et hypnotisant. Tout comme la gestion des enjeux dramatiques allant jusqu'au tragique, à laquelle on peine à croire, avant d'être totalement emporté et conquis.


Cette alternance d'action, de grand spectacle et d'émotions ne peut que faire pousser des "Oh !", des "Ah !" enthousiasmés, des "non !" incrédules et des "whoua !" tant Secret War voisine avec la quintessence du film de super héros ultra maîtrisé, riche et débordant, sans pour autant devenir excessif. C'est, en résumé, ce qui est sorti de ma bouche, alors que, les lunettes 3D sur le nez (mais au dessus du masque) je me délectais de ce Civil War généreux et émotionnellement renversant.


Définitivement une, voire LA surprise de l'année, tant la réussite est totale, inespérée et incroyable.


Behind_the_Mask, dont le coeur balance entre Black Widow et Scarlet Witch.

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