Suite directe des derniers Avengers Ultron et Captain America Winter soldier, ce nouveau film des Studios Marvel estampillé Civil War a été confié aux fréralisateurs Russo Bros, déjà à l’œuvre sur ce chapitre du Captain Rogers. Annoncé comme l'opus du MCU comptabilisant le plus de super égo,
le film affiche derrière cette profusion une vacuité qui laisse craindre le pire pour les épisodes à venir.


Pourtant, la bande-annonce était excitante. Dissimulée derrière ce « Civil War » générique, cette promesse d'une scission au sein des Avengers avait une portée presque biblique. Après une ouverture efficace mais qui montre rapidement les limites créatives des Russo Bros en terme de mise en scène (caméra à l'épaule bien gerbante), on retrouve nos Avengers confrontés à une réalité toute actuelle, faites de dommages collatéraux, de compromis politiques et de pouvoir étatique. Le ton est grave, la légèreté des précédents épisodes semblent s'être dissoute dans un univers plus DC comics. Le débat est simple : la marque « Avengers » doit-elle rester privatisée ou rentrer dans le giron de l'état. D'un côté, Tony Stark le capitaliste misanthrope opposé à Captain America le soldat libéral. Cette privatisation de la sécurité et par extension de la guerre, d'actualité aux States, trouve une étonnante résonance dans un film Marvel. D'autant plus que le précédent chapitre du Captain avait déjà posé les jalons d'une actualité imbriquée dans l'intrigue, devenant même le propos principal du film. Si les enjeux du film sont exposés avec clarté, faisant miroiter de belles promesses en termes d'échanges, la venue d'un « vilain » et de son inévitable plan vient trop rapidement se substituer au sujet du clivage originel. On se retrouve alors avec une banale histoire de vengeance/justice, beaucoup plus calibrée pour le spectateur lambda.


Une fois digéré la semi déception de ce scénario qui refuse l'héritage laissé par ses prédécesseurs, on constate que les autres secteurs du film ont subit la même qualité de traitement. A ce jour, je pense que seul Joss Whedon a réussit l'équilibre fun/gravité dans un film du MCU. Pour ses deux films, il ne s'est pas encombré d'une intrigue trop élaborée pouvant ainsi se concentrer sur ses personnages et ses dialogues. De ce point de vue, les frères Russo ont répété une erreur rédhibitoire, à savoir concilier intrigue complexe et multitudes de personnages. Même dans un film de cette longueur, il relève de la gageure de faire exister tous les personnages, servis par des dialogues au minimum correct et évoluant dans une intrigue à plusieurs niveaux. Manque de talent, de travail, je penche plutôt pour le manque de temps vu les sorties effrénées auxquelles sont abonnés les production des studios Marvel, le film n'arrive jamais à s'aligner sur la qualité étalon instaurée par Whedon. On ressent trop souvent un essoufflement au niveau des dialogues qui puisent dans la redite, des punchlines sans relief ( impossible d'en citer une à la fin du film) ou encore une mise en scène qui ne sublime aucun combat, que le souvenir d'un Hulk atomisant un Loki hagard essaye en vain de raviver. S'il y a bien une scène emblématique de ce film c'est celle de l'aéroport. Les deux équipes s'affrontent dans une joute quasi homérique pour des enjeux devenus risibles. Boursouflée d'effets numériques, cette lutte prend des airs de bagarre de cour de récré tant les motivations sonnent faux et les échanges verbaux maladroits. Et que dire du grand retour de Spiderman sous licence Avengers. On regretterait presque son départ de chez Sony. Comment pardonner son introduction parachutée et désastreuse, ses dialogues sous Biactol©, son humour de youtubeur et ses prouesses physiques uniquement en cgi...


Avec ce Captain de l'amertume, Marvel persiste à privilégier la quantité à la qualité. Les bonnes intentions de l'intrigue s'effacent rapidement pour laisser la place à une nième baston super bordélique dont les enjeux s'estompent peu à peu pour disparaître. Daniel Bruhl incarne un méchant qui aurait pu être nuancé et aux motivations plus subtiles. De la pléiade de personnages, peu arrivent à surnager, aucun n'arrive à s'exprimer. Que dire de cette Vision évanescente, qui au comble de l'ironie saupoudre un Gulash de paprika, tentant vainement d'épicer un spectacle mijotant dans sa propre fadeur. Ant man, caméo de luxe, alibi numérique pour justifier à lui seul le money shot du film. Et ce Black Panther vindicatif, némésis du Winter Soldier, nouveau milliardaire Tonystarkien pour l'équipe du Captain qui peut se préparer sereinement à une Infinity war.


Captain America : Civil war marque pour moi l'implosion d'une saga. Exploitée jusqu'à la nausée, la recette ne surprend plus. Pire, elle diffuse un sentiment de malaise qui laisse entrevoir la chute depuis longtemps annoncée. On savait qu'il y aurait un épisode de trop, un épisode charnière. Naïvement, au vu de la bande-annonce, je ne pensais pas à celui-là.

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le 10 mai 2016

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Alyson Jensen

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