Amuse toi bien en Meurthe-et-Moselle

Quand on regarde un film, dans un vieux TER pourri, on doit se mettre dans les carrés pour pouvoir détourner le courant électrique de la brave compagnie des chemins de fer, et pouvoir charger son vieil ordi tout aussi pourri dont la batterie est morte il y a déjà bien longtemps. Comme ça, j'ai l'air d'un bon gros schlagoss, pile le public apparemment visé par ce fameux film. Du coup, les carrés TER c'est fait pour les familles qui vont voir mamie à Plouaret-Trégor (dur.) Vu que je prends déjà un siège, comme tout bon jeune rebelle avec des écouteurs, je fais semblant d'être absorbé par ma musique de dégénérés et j'évite de croiser le regard de la mère de famille qui aurait bien voulu me demander de bouger. Ils se démerdent, on est pas à Solidaires Etudiants ici. Bon alors le père (enfin le beau-père évidemment, on est moderne) prend les choses en main, il s'installe à côté de moi, ses deux petites filles en face, c'est lui qui va devoir les supporter. La preuve que Pujadas avait raison, le patriarcat c'est fini. Tchao la maman, j'espère que t'as pu profiter d'une heure de tranquillité (c'est un film avec Christian Clavier, j'aurais peut-être du mater ça).Heureusement Captain Fantastic c'est quelque chose de socialement acceptable, même si il y a des zizis. Parce que quand t'as quelqu'un à côté de toi dans le train t'évites de regarder du Leni Riefenstahl. Les petites filles, c'est des meufs à peu près reglos, un peu trop bien élevées pour être supportables sur le long terme mais au moins elles gueulent pas des insanités comme tous les gosses dans les trains, ça devrait aller.

Sur cette analyse ethnographique de haut vol, je commence le film, c'est mauvais alors je m'intéresse à ce qui se passe à côté : le beau papa a sorti son Macbook, le bâtard il a la wifi grâce à son Iphone 7 rose à la pointe du chic. Il lit Les Echos en PDF, la clâsse. Si ça vous intéresse, Marine Le Pen est méchante, Mélenchon est le démon qui amènera l'apocalypse financière, et Intersport reprend du poil de la bête au premier semestre, vous pouvez investir. Par contre faites gaffe, le marché japonais est instable. Après il consulte sa boîte mail, qui ne contient quasiment que des vrais mails de vrais gens et pas que des alertes blablacar et des promos Amazon, la preuve que le type a une vraie vie. Alors les mails c'est des types qui lui envoient des bilans financiers et des comptes rendus de Conseil d'Administration (c'est chiant sauf la page des profits réalisés, ça doit faire du bien au moral). C'est bizarre, on dirait que le mec pèse, mais il prendrait pas le TER si c'était le patron. Sûrement un second couteau du grand capital. Mais il classe ses mails dans des dossiers avec des noms d'entreprises et de projets, un mec deter. Il a même un dossier "Sonia Rykiel", celle de la chanson de Booba, les vrais sauront.
"Et là c'est le drame". Il a un dossier "En Marche", il y range ses invitations à des meetings de Macron, et sûrement ses plannings d'"after-work citoyen" ou de "meet-up de startupers". Ca m'angoisse, en plus moi j'ai l'air d'un pov con à côté parce que mon ordi s'est déjà éteint deux fois à cause des coupures d'électricité. Du coup j'ai arrêté le film, mais entre temps j'ai bien vu une bonne moitié, qui alternait entre malaisante et osef. Le sympathique Marcheur à ma droite il faisait que de zyeuter sur mon écran, ça avait l'air de l'intéresser (on aurait dû échanger nos PC ça aurait été plus simple). J'ai sûrement l'air tellement blasé qu'il ose pas me demander le titre, alors il cherche sur google "filmographie madds mikkelsen". Raté, c'est Viggo Mortensen. On dirait Macron qui confond Michel Audiard avec Chevallier et Laspalès.

Mais du coup ouai le problème, en dehors d'être celui de ceux qui se gavent, c'est que ce film il intéresse + les Macroniens que les jeunes "proches de la mouvance anarcho-syndicaliste" (la fiche S de mes rêves <3). Par contre faudra pas qu'il le regarde en famille, pour peu que ses filles se renseignent sur Noam Chomsky (putain mais pourquoi le citer quinze fois dans ce film, ça devient de la fascination glauque, les mecs trimballent UN PORTRAIT de lui dans leur tacot), elles vont devenir contestataires. L'adolescence sera difficile, elles voudront pas faire leurs stages de troisième dans ta boîte de consulting mais chez un maraîcher bio, c'est chiant. Et après elles voudront faire des études de linguistique, non mais vous voulez créer de la dette ??

Après je suis arrivé chez moi, j'ai été boire (bah ouai c'est Brest) et j'ai regardé la fin. Je la conseille,
c'est rigolo le clip show de crémation de maman dans la nature (préalablement déterrée, une bonne activité pour les dimanches en famille) pendant que les enfants déguisés en festivalières de Coachella chantent que la vie c'est beau. Mais je crois que c'était censé être émouvant en fait ? Mais sinon pour l'éducation des enfants, c'est à ne pas reproduire à la maison les gens : bourrer le crâne des gosses de 8 ans avec autant de trucs relous, c'est pas les rendre intelligent, et c'est pas digne d'un vrai babos. Leur faire dénoncer le capitalisme en leur apprenant des moyens mnémotechniques putophobes c'est moyen aussi, mais ça gène pas le scénariste apparemment. D'ailleurs fallait pas en faire autant des gosses, ça se voit que c'était compliqué pour trouver les noms. Et le monteur il galère à foutre des plans pour les montrer tous. J'ai cherché longtemps pourquoi ils avaient pas réduit le nombre, vu qu'il y en a que deux qui ont une vraie caractérisation, la seule explication logique c'est qu'il fallait des bras pour porter le cercueil. Tellement glauque quoi. L'inspiration "Little Miss Sunshine" est trop grossière pour que ce soit drôle en plus.

Bon le film j'espère que ça donnera envie au Macronien d'acheter ses carottes à la Biocoop, peut-être d'aller faire un pique nique sur la côte nord à la limite. C'est important de se ressourcer.