« Captain Fantastic ? Quoi, encore un film de super-héros ? » Eh bien non, heureusement ! 
Avant toute chose, je souhaiterais particulièrement inviter tous ceux qui n’auraient pas vu le film, à courir immédiatement dans le cinéma le plus proche, à s’acheter un grand cornet de pop-corn et à se laisser subjuguer pendant deux heures. J’insiste, vraiment, allez voir Captain Fantastic. Ouvrez grand vos cœurs et laissez-y entrer ce rayon de soleil. De grâce, ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance d’avoir un long-métrage aussi fertile en programmation. Heureusement que le ciné indé américain nous en offre un de temps en temps.
Captain Fantastic, c’est l’histoire de Ben Cash, l’anticapitaliste bien nommé qui vit avec sa femme et ses six enfants dans les forêts du Nord-Ouest des Etats-Unis. Ils sont totalement isolés de la société, vivant dans une autarcie presque parfaite, sans liens ou presque avec le monde extérieur, notre monde. Cette famille se suffit à elle-même grâce au personnage central incarné par Viggo Mortensen, le père de ces six enfants. Utopiste revendiqué, il a une vision de l’éducation bien à lui, qui consiste à leur donner une instruction d’un niveau intellectuel très avancé et ce dès le plus jeune âge, le tout couplé à un enseignement physique et un amour de la nature de tous les instants. Plus qu’une vision de l’éduction, c’est une vision de la vie que Ben défend, et il joue presque le rôle de gourou auprès de ses élèves.
Malheureusement, une tragédie se produit, la mère tombe malade, meurt et cet événement oblige le reste de la famille à quitter leur petit paradis. A partir de là nous entrons dans le cœur du film, qui va être la découverte excitante du monde et de notre société par ces enfants qui ont toujours vécu dans leur forêt, et l’inévitable remise en cause des principes idéalistes de Ben.
Sur le papier, cela à l’air prometteur, une famille marginale qui se confronte à la réalité, on pourrait-on se dire « il y a de quoi faire ». Effectivement et ce film est une petite merveille. C’est un ovni cinématographique, pas tant dans la forme mais surtout dans le propos. Il n’y a que le cinéma indépendant pour nous offrir de pareilles perles de réflexion. Car oui, le réalisateur veut nous faire réfléchir. Ben et sa femme sont des utopistes, des idéalistes, dans nos codes actuels ils seraient considérés comme des marginaux, des rêveurs. Sauf que ce sont de véritables philosophes. Et comme Ben et Leslie ont six enfants, quoi de mieux que de leur inculquer tous ces idéaux, et ce dès la naissance, pour les éduquer et les instruire dans une vision idéale de l’humanité.
Niveau casting, Viggo Mortensen jouit d’une aura toute particulière qui inonde la salle et illumine l’écran. Il est réellement épatant, interprétant parfaitement ce paternel aux allures de gourou. Les idéaux de Ben Cash semblent être les siens, il est vraiment dans l’incarnation de son personnage. Bien heureusement, les acteurs qui l’entourent, notamment les enfants ou son beau-père joué par Frank Langella, sont très bons.
Alors je m’emballe un peu, mais de temps en temps il le faut. Certes, le film n’est pas parfait, inégal parfois, il ne trouve pas toujours le bon équilibre entre tous les thèmes qu’il développe. Cependant, on en sort bouche bée. Et oui, Viggo nous gratifie d’une belle petite claque.
Les thématiques visitées sont foisonnantes, que ce soient l’exploration de la paternité et du rôle d’un père pour ses enfants, de l’équilibre à trouver entre nos idéaux et les contraintes de la société ou encore notre rapport à la nature, à la spiritualité et aux autres, conditions d’accès obligatoire pour s’ouvrir à la philosophie.
Et puis l’utopie est un thème qui fascine les hommes depuis des siècles. De Platon et sa Callipolis à l’Île des esclaves de Marivaux en passant par l’Eldorado de Candide, c’est l’un des fantasmes du genre humain. Utopia, l’île légendaire et symbolique de Thomas More est société parfaite, idéale, équitable, philosophique et juste. Chacun en a sa propre vision. Ce thème n’a rien de nouveau et pourtant, le film le met en scène selon un axe particulier, celui de l’éducation. Ben Cash a une idée de l’éducation, académique, raisonnée, spirituelle, philosophique et physique. Sauf que lui, plutôt que d’en faire un livre, plutôt que de rêver cette idée, il va consacrer son existence entière à l’application de sa vision sur ses enfants et c’est ce qui le rend heureux.
Toute la morale du film va d’ailleurs s’axer autour de ce décalage entre une idéal d’éducation et la confrontation à la réalité de notre société et aux façons de vivre actuelles de l’humanité. C’est la remise en cause des principes de Ben. A force de vouloir les rendre parfaits, de vouloir faire de ses enfants des « philosophes rois », ces derniers se montrent inadaptés et inadaptables au moment de se confronter à leurs alter ego.
Au final, on sort du cinéma en se posant de nombreuses questions, et ce n’est pas si souvent que cela arrive. On se questionne sur soi, sur le sens de notre vie, notre rapport aux autres, à la nature, à la société. L’expérience est profonde, on envisage ce que peut être l’essentiel et le film, loin d’être moralisateur nous lance sur plusieurs pistes. En outre, Captain Fantastic a des inspirations évidentes du côté de Into the Wild ou de Little Miss Sunshine et rentre donc totalement dans la catégorie des films qui nous remettent en question et qui font du bien. Et c’est toujours un grand plaisir de les regarder.
Lvbest
8
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le 25 nov. 2016

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