Ayant eu des échos plutôt négatifs, j'ai visionné ce film avec un regard plus critique que de mesure, l'affût du moindre détail allant dans ou contre le sens de ce qu'on avait pu me dire. Et pourtant...
C'est avant toute chose un beau film. La forêt d'Amérique du Nord est bien filmée, on ressent à la fois la paisibilité du bruissement des arbres et de la lumière filtrante et l'oppression constante de Dame Nature, à l'image de cette partie de chasse au tout début du film.
Une première scène remarquable qui laisse entrevoir le sujet du film, lorsqu'un jeune homme à la figure peinte parvient à tuer un cerf : "Te voilà un homme désormais". Un film qui parle donc du fait de grandir, des étapes de la vie, mais loin des clichés standards (le permis à 18 ans ou la Rollex à 40 ans). Et ceci parce que l'on suit une famille qui évolue dans un contexte alternatif, en harmonie avec la forêt. Les six enfants sont ainsi éduqués par leur père, qui leur dispense un savoir-faire (survie en nature) et une pensée critique fortement ancrée (anti-capitaliste). Dans ce tableau de la famille de la jungle, il manque une mère, qui, on l'apprend plus tard, est malade bipolaire, hospitalisée dans le vrai monde. Son suicide marque fortement la petite famille, puisqu'elle se trouve contrainte à s'exposer au monde extérieur, aux enfants du même âges, aux caractéristiques de la société de consommation américaine et aux conflits familiaux sur fond de conflit idéologique et religieux.


Le thème du film, à titre personnel, m'attire profondément. Les questions de rapport au monde, de choix alternatifs, d'éducation me traversent dans ma vie actuelle. La solidarité et l'amour, au sens le plus noble, qui lient les sept êtres de cette famille, est très justement dépeinte. Préservés de la violence du monde extérieur, de la concurrence entre tous, les enfants grandissent dans une perspective d'entraide et de bienveillance. Je suis convaincu que le rapport à la Nature remet en perspective notre place dans ce monde, questionne nos envies et nos certitudes, et que la Nature est un lieu mystérieux qui "peut guérir" des maux de notre société. Et ça, le film le dépeint plutôt bien.
En revanche, le monde extérieur à cette famille est dépeint de manière très clichée, sur les choix mêmes du réalisateur : on y voit d'une part l'archétype de la famille de classe moyenne, banlieusarde dont le modèle éducatif est méprisé dans le film (rapport aux jeux vidéos, inculture des adolescents) ; et d'autre part, l'archétype de la famille riche, conservatrice et croyante, qui se caractérise par une froideur et une opposition de principe aux choix éducatifs de la famille. La famille elle-même devient une sorte de cliché lorsqu'elle entre dans le monde extérieur : le plus grand des enfants est désemparé à la vue d'une femme (laissant sous-entendre qu'il n'est capable de parler que de
Bref, difficile d'y croire vraiment, même si on comprend le propos de l'auteur.
Le film montre la difficile cohabitation entre les visions du monde, des mondes qui évoluent en vase clos et qui peinent à diffuser leurs valeurs. C'est un constat assez lucide que je fais de plus en plus, à force de réflexions sur les modes de vie alternatifs : en refusant en bloc certaines valeurs, on s'isole et on s'exclut complètement des normes standards afin de recréer un autre monde, une autre communauté. C'est probablement un poil idéaliste, mais il me semble qu'il soit beaucoup plus révolutionnaire de vouloir changer de l'intérieur un monde qui va droit dans le mur - plutôt que de descendre de voiture tranquillement, et de regarder celle-ci finir sa course en se disant : "Eh bah, je vous l'avais bien dit qu'elle finirait dans le mur".

nidecoucou
8
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le 14 déc. 2020

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nidecoucou

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