Carnage annonce d'évidence la couleur. Le vernis social va rapidement s'écailler pour faire surgir les rancœurs et les mesquineries qui révèlent derrière les façades de la convenance et de la bonne éducation la véritable nature humaine. Le film est court, admirablement servi par son quatuor de comédiens qui apparemment se délectent des dialogues très écrits qu'ils ont à prononcer. C'est donc du théâtre filmé, mais Polanski sait tirer parti du lieu dont il exploite toutes les ressources, ne lésinant pas sur les fausses sorties et les relances du scénario. Mais c'est bien là la limite de l'exercice qui paraît artificiel et demeure superficiel. Le prétexte à l'affrontement semble trop mince pour justifier les débordements de paroles et d'actes qui vont suivre. La caractérisation des personnages – la conscience de gauche contre l'arrivisme de droite – est trop appuyée et empêche du coup les protagonistes de développer plus d'ambivalence. Tout est donc déballé sans pudeur et, envenimées par l'alcool, puisque la bouteille de whisky de dix-huit ans d'âge va y passer, les conversations qui opposent les deux couples provoquent ensuite la zizanie entre chaque duo, tout en tissant à l'occasion une solidarité de genre entre les deux femmes, lorsque l'envahissant téléphone coule au fond du vase de tulipes, ou entre les deux hommes réconciliés autour d'un havane géant.
Le rythme est vif et la tension croissante si bien qu'on n'a jamais le temps de réellement s'ennuyer. Cependant, la joute verbale, aussi acharnée et violente soit-elle, reste circonscrite dans des cadres terriblement convenus, juste apte à enchainer les bons mots et les répliques qui font mouche. L'ensemble manque de cruauté et de férocité et s'achève de manière abrupte sans réelle conclusion.
Œuvre mineure dans la filmographie de Polanski, Carnage est une tragi-comédie plaisante, mais plutôt vaine, échouant à dénoncer avec méchanceté et davantage de finesse les bassesses et la monstruosité humaines.
PatrickBraganti
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le 20 janv. 2012

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