CARNIVORES (12) (Jérémie & Yannick Rénier, BEL/FRA, 2018, 86min) :


Étouffant drame psychologique familial narrant le destin de deux sœurs, Mona et Sam rêvant toutes deux de briller dans le monde du cinéma, mais dont la réussite fuit la première alors que la seconde est en passe de devenir star en tournant dans un film d'un cinéaste renommé. Pour leur premier passage derrière la caméra les frères Rénier nous livrent un film sur les coulisses du métier d'actrices, en se penchant sur l'envers du décor et les nombreuses répercutions que cette atypique profession peut avoir sur sa vie intime.


Les auteurs proposent une mise en scène appliquée à l'ambiance clinique, aussi bien dans les différents décors (immense appartement maculé de blanc souvent dans l'obscurité, plateaux de cinéma assez glauques et sombres) pour ausculter l'ombre et la lumière à travers la relation fusionnelle de deux sœurs. Les cinéastes installent une mise en place mélodramatique un peu longue des personnages pour plonger petit à petit dans un thriller pervers plus réussi, où l'étrange Mona va se laisser gangréner par sa jalousie ancrée au plus profond d'elle, et laisser ses blessures intimes guider ses agissements de plus en plus ambigus. À l'occasion du tournage éprouvant avec un réalisateur tyrannique et antipathique la bascule s'opère et le climat sous-jacent de la relation de domination/soumission entre les sœurs prend de l'ampleur car Sam la vedette demande à Mona de jouer le rôle ingrat de sa répétitrice et d'être une sorte d'assistante pour elle alors que celle-ci ne cesse d'échouer à des castings.


Les frères Rénier creusent la thématique du burn out, de la jalousie et de la folie à travers cette histoire qui pourrait trouver sans doute la source dans leur propre relation de frangins à travers un récit anxiogène assez convenu où la dernière partie cristallise tous les maux que le spectateur avait pressenti depuis le début de l'intrigue. Les metteurs en scène s'offrent une psychothérapie familiale pas déplaisante convoquant le complexe fraternel et Lacan et dans laquelle certaines séquences s'avèrent assez brillantes mais l'ensemble de la narration elliptique est assez dépourvu de rebondissements étonnants. Ce thriller vénéneux maladroit permet surtout de mettre en valeur le talent de ces acteurs principaux : la magnifique et intrigante Leïla Bekhti dans un rôle sombre vampirique à contre-emploi et la fragile Zita Hanrot (La fête est finie) qui dévore avec intensité l'écran, sans oublier le "méchant" réalisateur incarner avec conviction par Johan Heldenbergh (Alabama Monroe, Gaspar va au mariage).


Venez découvrir cette première fiction imparfaite des frères Rénier (qui rappelle certains films de François Ozon), faisant d'eux de bons directeurs d'acteurs pour mettre en avant leur casting avant de devenir peut être de meilleurs auteurs pour narrer une histoire plus retorse et mordante que Carnivores. Tendu. Mental. Académique.

seb2046
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le 28 mars 2018

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