Carol
6.9
Carol

Film de Todd Haynes (2015)

SPOILER – SPOILER – SPOILER - SPOILER
Je ne vais pas revenir sur le film, j’en avais parlé à l’époque de sa projection à Cannes, mais j’ai envie de dire 2,3 mots sur la séquence finale.
Cette scène sublime, d’apparence toute simple, constitue probablement la plus belle scène de toute l’œuvre de Todd Haynes. Il s’agit du pic émotionnel du film, son apothéose bouleversant, et le cinéaste clôt l’histoire sur ce climax en suspens.
Durant près de deux heures, Haynes a mis en scène deux personnages isolés dans le plan, deux femmes seules puis un couple seul. Mais sans que l’individu ni le couple ne parvienne à se faire une place dans ce cadre étriqué, par refus volontaire, par rejet, ou par incompatibilité. Une mise à l’écart de la société traduit à l’image par des éléments du décor isolant le ou les personnages dans une partie du cadre, ou par des lignes scénaristiques. Cette impression étant renforcée par le traitement de l’image, la reconstitution de l’époque, les costumes, quelque chose d’assez corseté. Cette impossibilité de s’accomplir en tant que femme, d’assumer une sexualité et un sentiment amoureux se poursuit lors de l’escapade en voiture. Les deux femmes fuient, mais elles sont sans cesse rattrapées ou dérangées par des éléments extérieurs, perturbateurs. Impossible de vivre leur amour. Même lorsqu’elles se retrouvent, apparemment ensemble dans le même plan, dans le même lit, pour une étreinte belle et émouvante, elles sont enfermées, cachées, mais surtout acculées par des éléments en hors champ (comme la présence du détective privé dans la chambre d’à côté).
Ce sentiment d’étouffement trouve son paroxysme dans lors de la magnifique scène en 2 temps, intervenant au début puis à la fin du film, marquée par l’interruption de cet homme qui brise en une réplique la bulle et l’osmose que les deux femmes sont sur le point de se créer. Impossible de vivre leur amour.
Jusqu’à cette dernière séquence donc. Dans un ultime élan, un ultime jeu de regards, Haynes parvient à faire tomber tous les murs qui encerclaient et s’érigeaient entre les deux femmes. Avec une nudité narrative totale, il n’y a plus rien, plus de société, plus de contraintes, plus qu’un échange de regards bouleversant. Haynes n’a même pas la nécessité de les filmer toutes les deux dans le même plan, ce simple contre-champ, qui pourtant sépare une fois encore les corps, intensifie ce qu’il est inutile de souligner et qui circule en hors champ, l’acceptation et l’éclosion réelle d’un amour fou.

Teklow13
9
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le 26 janv. 2016

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