Vieilles voitures, cigarettes à foison, disques de Jazz, Carol est aux antipodes des histoires d’amour qui sont en ce moment-même au cinéma (où la drogue, le sexe et la déchéance règnent). Il n’y a, en effet, dans ce film, rien qui choc, rien de déplacé (si ce n’est l’idée que l’homosexualité n’était pas admise dans les années 1950.)
Bien que le film s’ouvre sur le plan d’une grille puis d’un homme qui traverse une grande avenue américaine, il ne commence réellement que grâce à l’oubli d’un gant féminin sur le comptoir du magasin de jouets où travaille Therese. S’en suit de plusieurs plans montrant Therese et Carol séparées du reste du monde, de la population, des autres personnages par une fenêtre, une poutre dans les bureaux du New York Times. Tous ces plans nous amènent à penser que Therese et Carol sont des personnes à part, par leur façon de penser, leur façon d’être.
L’histoire reste assez banale : une histoire d’amour déplacée dans une société américaine encore fermée et sévère. Le spectateur a du mal à rentrer dans l’histoire, malgré une Cate Blanchett formidable dans le rôle d’une femme à la fois dure et très aimante, brisée et marquée par la vie. Le personnage de Therese, lui, nous laisse perplexe, nous énerve presque à paraitre si naïve, comme la Wendy Torrance du Shining de Kubrick. Celle-ci n’est pas actrice de son histoire, elle la laisse l’écraser. Elle est comme absente de sa propre histoire. Les plans qui parcours le film, malgré qu’ils soient très esthétiques, sont des habituels des histoires d’amour : gros plan sur un sourire, sur les boucles blondes de l’être aimée, sur les yeux bleus du personnage de Therese. Ces plans ne créent rien que l’on n’ait jamais vu, on devine déjà les plans qui vont suivre ainsi que les actions des personnages. Pourtant, l’histoire connaît un bond lorsque les deux amantes sont mises sur écoute dans l’hôtel, pour le spectateur, le temps est alors suspendu, ne s’y attendait pas. Malheureusement, le pique d’attrait retombe aussi vite lorsque l’histoire reprend son rythme.
La réutilisation d’un plan aussi présent plus tôt dans le film crée un moment d’intimité puisque le spectateur est seul avec les deux personnages en plein moment de confidence, se glisse un « je t’aime » attendu tout le long du film. Carol se termine sur un long plan séquence au ralenti de Therese s’avançant vers la table où dine Carol et ses amis. Un champ contre champ s’opère alors et l’on comprend ainsi la réponse positive de Therese à Carol. Le film se termine sur un happy-end commun aux histoires d’amours classiques et peu attrayantes.
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