La saga s’essoufflait, et demandait sérieusement un petit coup de jeune, car le mythe devenait désuet (dans les années 90, les Bruce Willisserie avaient obligé à se réadapter, les années 2000 posent le même problème avec les Jason Bourne).
Quitte à revoir en profondeur, autant faire un reboot total (c’est devenu la mode : SUPERMAN, BATMAN, LA PLANÈTE DES SINGES entre autres y sont passés).
Et là, le pari osé est réussi. D’abord Bond, le personnage. Daniel Craig s’impose, malgré les réticences a priori formulées par les bondophiles de la première heure : que vient faire un blond dans la peau de notre agent secret ? Il lui amène la rudesse de Dalton, les attitudes de Brosnan et le style viril de Connery dans un même package, avec un brin du côté glamour de Lazenby. Ses relations avec l’autorité (M en particulier, toujours campée par Judi Dench) sont au-delà du conflictuel, à la limite de l’insubordination, avec un soupçon de maternalisme. Il est capable d’entrer chez elle sans effraction rien que pour fouiller dans son ordinateur.
On assiste à la naissance du mythe Bond. L’histoire commence alors qu’il n’est pas encore double 0. M voit son potentiel derrière la rudesse de bulldozer (lors de la poursuite à pied (grande première dans la saga) façon Yamakazi, alors que son opposant bondit et joue avec les obstacles, lui il les défonce, ou les contourne) et va tout faire pour le faire éclore. Un passage résume d’ailleurs cette remise à zéro. Un serveur à qui Bond a commandé un martini lui demande : « Cuillère ou shaker ?-Rien à foutre », répond Bond, qui nous montre qu’il peut agir sans réflexion, par impulsivité dès qu’il est atteint dans son estime.
La trame du film se calque sur le premier roman de Fleming, qui porte le même titre. Les séquences du début jusqu’à la scène de Miami sont absentes du roman. Mais l’affrontement avec le Chiffre (qui est dans l’obligation de gagner de l’argent au casino, car il doit rembourser des dettes (auprès du SMERSH, entité russe signifiant Mort aux Espions dans le roman, auprès de seigneurs de guerre africains dans le film)), puis l’enlèvement de Vesper, la séquence de torture couillue, la rééducation de Bond et le suicide de Vesper sont dans le roman.
Le film gagne en violence (Bond prend des coups et porte les stigmates des agressions), la réalisation (encore une fois confiée à Martin Campbell, déjà aux commandes d’un changement de style avec GOLDENEYE) est parfaite. Les scènes d’action sont bien découpées, les effets spéciaux (la scène de Venise) sont excellents, et certains passages sont superbement éclairés (le repas d’après partie de poker, la scène de torture). Le montage rapide sur les séquences d’action est essentiel dans le tempo du récit.
Le laconisme de Bond tranche avec certains aspects volubiles de ses prédécesseurs (surtout la période Moore et la période Brosnan). Les scènes où il parle le plus sont celles qui le mettent en confrontation avec des femmes. De plus, il faut noter que les femmes avec qui il couche meurent (constante existant dans le film suivant, ce qui explique pourquoi il ne couchera pas avec l’espionne jouée par Olga Kurylenko dans QUANTUM OF SOLACE).
Fini les gadgets, et retour des Aston Martin, et dans une belle scène d’hommage inversé, Craig sort de l’eau tel Ursula Andress.
Et puis on ne peut pas évoquer Bond sans parler de Vesper Lynd. Première pierre fondatrice de sa relation avec les femmes dans les romans, elle apparaît sous les traits magnifiques d’Eva Green. Féminine, mais ayant une sûreté d’esprit très masculine (de façade, car elle craque dès qu’elle est confrontée à la mort), elle manque faire quitter son poste à Bond. Amoureux d’elle mais n’osant pas (se) l’avouer (il déclare à la fin du film à propos de Vesper: « The bitch is dead », phrase tirée mot à mot du livre), il va fendre l’armure et montrer des failles rarement aperçues dans la saga jusque-là. Eva Green s’impose rapidement comme LA James Bond Girl, et il faut dire cette robe violette avec son décolleté et le port du string ravageur apportent la touche glamour sexy que son tailleur nous avait laissé deviner. Elle est celle qui lui offre son premier smoking sur mesure (sa première tenue de super héros), jusque-là, il était bien habillé, mais d’un coup, il prend la Bond touch.
Ce film est un des seuls (avec le Lazenby et les Dalton) où il y a une évolution très nette du personnage entre le début et la fin.
Il faut attendre la toute fin du film pour que Bond naisse : le Bond thème n’est joué que sur le générique de fin. Et surtout, sa dernière phrase est la phrase emblématique de la saga : « Who are you ?-My name is Bond. James Bond. »
Un bijou.

lolodu87
10
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le 3 juil. 2020

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lolodu87

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