Bon sang... Ce film n'est pas mauvais...

Le moins qu'on puisse dire, c'est que j'avais la boule au ventre quand je suis entré dans la salle de cinéma. Je redoutais ce que j'allais regarder. Il y avait vraiment de quoi avoir peur : les images des bande-annonces étaient... comment dire... malsaines, perturbantes, hilarantes. Mais les réactions de la communauté internet ainsi que le ridicule de ce film m'avaient immédiatement conquis : je devais voir ce film. Je devais voir Cats.


Dès la première scène, Cats est resté fidèle à sa réputation en me mettant immédiatement mal à l'aise. Une musique bizarre, des créatures étranges et humanoides et surtout cette chose qui se débattait dans un sac sur le siège passager d'une voiture. Et là, l'horreur absolue ! Le sac est jeté dans une déchetterie puis est aussitôt assailli par une orde de chamins (terme non officiel que j'utiliserai pour désigner ces étranges croisements entre un chat et un humain). La musique devient cauchemardesque puis soudainement la ballerine Francesca Hayward sous la forme d'une chatte blanche (l'animal, entendons-nous bien) sort du sac. Et par pur logique de comédie musical, les félins se mettent à chanter une chansons en répétant 1 milliard de fois le mot "Jelical", parce que c'est des "Jelical cats" (qu'on renvoie celui ou celle qui a eu l'idée d'un nom pareil). Là commence le cauchemar et... l'émerveillement ???


On peut critiquer à juste titre les visuels peu conventionnels de Cats, mais ce qu'on ne pourra pas lui reprocher, c'est l'énergie démentiel qu'il dégage. Tout bouge constamment dans ce film, c'est hallucinant. Les chamins prennent leurs pieds dans chaque scène. Ils dansent, sautent, rampent, mangent, ondullent. Bien-sûr, le film serait ennuyeux à mourir s'il n'y avait pas ce dynamisme constant, parce qu'il n'a franchement pas grand chose à raconter le bougre. Et même si la première chanson m'avait choqué par son ennui total (après seulement 5 minutes de film je me faisais déjà chier, c'est peu dire), certains morceaux sont franchement mémorables et m'ont marqué. Que ce soit le triste solo de Victoria la chatte blanche (l'animal), le dynamisme jouissif de la chanson de Skimbleshanks le chat des rails et bien-sûr le fabuleux morceau de Mister Mistoffelees qui m'a littéralement donné des frissons par sa jovialité. Mais ne vous faites pas d'illusions : les autres chansons sont soit très moyenne voire carrément bonnes à jeter à la poubelle (le solo de Ian McKellen, quel supplice). Les chorégraphies sont d'ailleurs très décevantes pour une comédie musicale aussi colossale. Les effets spéciaux des chats y sont peut-être pour quelque chose, et on y arrive à ces gredins.


Je n'irais pas par 4 chemins : dans ces designs d'acteurs métamorphosés en félins, il y a boire et à manger. Parmi ceux qui sont "potables", Francesca Hayward (qui, à mon grand désarroi, était sublime sous la forme d'une féline blanche), Ian McKellen, Jennifer Hudson, Taylor Swift et pleins d'autres encore (malheureusement cités sur aucune affiche). Mais le reste des têtes d'affiches, oh mon Dieu ! C'est la foire aux monstres ! James Corden est terrifiant en chat à grosse bedaine et moustachu en mode Hercule Poirot, Rebel Wilson est gênante, Jason Derulo est complètement flingué avec sa parure en fourrure et sa tête bizarre (et le meilleur, c'est quand il se met à danser, c'est le chaos numérique total), Idris Elba avec son pelage brun (rien de raciste, j'essaie juste de faire comprendre que quand son personnage apparait à l'écran sans vêtement, j'ai vraiment l'impression de voir Elba danser à poil devant l'écran avec des oreilles de chat, et ça, c'est le sumum du gênant) et last but not least Judi Dench, alias le monstre de cinéma qui m'a le plus donné de frisson depuis longtemps. Non mais quelle horreur cette chatte (l'animal) ! Elle a un manteau de fourrure qui semble être fusionné avec son corps et ses mains sont humaines, et sa tête est cauchemardesque ! Et quand on la voit couchée dans son panier à chat géant... Au secours !
La fourrure et le pelages de ces monstres de foires sont néanmoins très réussis. Mais leurs incrustations dans les décors l'est un peu moins (le visage de Jason Derulo semble flotter, les pieds des chats n'ont pas l'air de toucher terre). Et je n'ai même pas encore cité les autres animaux du film (parce qu'il y en a) : les souris (avec des visages d'enfants) et les cafards (des femmes avec des déguisements d'insectes moches). Horribles. Comment tout ceci a été validé par les producteurs ?


Et comme si le design médiocre des chats ne suffisait pas, l'univers dans lequel ils évoluent est totalement incohérent. Rien ne fait sens : Time Square est vidé de toute forme de vie, le bar à lait abandonné est encore surchargé de lait (consommable en plus) et le cimetière se trouve au milieu d'une ruelle à côté de la décharge et du bar à lait... QUOI ?!
Et les chats ne sont pas en reste. Certains sont habillés, d'autres ont juste des chaussures ou une veste (d'où est-ce qu'elle les sort ses escarpins, la Taylor Swift féline ?). Certains retirent leur peau pour faire apparaitre un vêtement festif tandis que d'autres ont des manteaux de fourrure. Mais la moitié sont clairement des nudistes. Comment ça se fait ? C'est un choix personnel ? Et pourquoi le méchant Macavity (ce nom sérieusement) est recherché par la police ? C'est un chat ! Et pourquoi il a des pouvoirs magiques (téléportation ou désintégration, c'est selon) ? Et pourquoi il se met à poil à la fin du film alors qu'il avait des vêtements pendant presque tout son temps d'écran ? Et pourquoi le chat magicien a aussi des pouvoirs magiques lui ? Comment ça marche ? Et comment Deutéronome (Judi Dench) peut choisir le chat qui va se réincarner ? Pourquoi elle est aussi dégueulasse ? Et pourquoi elle s'adresse directement au spectateur à la fin du film ? Pourquoi elle fait ce monologue de merde ? Pourquoi rien ne fait sens ? C'est quoi ce BORDEEEEEEEEEL ???


Au final, on obtient un film étrangement inégal. En dehors de l'énergie qu'il dégage et les forts moments d'émotions, Cats laisse mitigé avec ses effets spéciaux à moitié réussis, ses chansons pour la plupart médiocre et ses magnifiques décors bizarrement exploités. Les étranges choix artistiques de Tom Hooper resteront toujours une énigme pour moi, de même que l'existence de ce film. Cats n'a pas lieu d'être. Tout le monde s'en fout de Cats. Personne ne voulait de lui dans les salles obscures, encore moins sous cette forme-là. Un non-sens cinématographique. Un ovni. Un navet peut-être même ?
Il n'empêche que je suis sorti perturbé de cette étrange expérience. Je voulais le haïr, mais c'était impossible. Je n'avais pas passé un mauvais moment. Entre les passages musicaux jouissifs et les scènes inintentionnellement drôles, j'ai trouvé mon bonheur dans ce film, à ma grande surprise. C'est un film comme on n'en verra probablement plus. Vu son échec dans les salles, les studios auront probablement appris la leçon et les réalisateurs audacieux en prendront de la graine. Mais sa médiocrité fera très certainement de Cats un film culte. Un film dont y rira encore longtemps. Un paria à fourrure.


Cats n'est pas mauvais. Cats est juste... Cats.

MonsieurNuss
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le 18 janv. 2020

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MonsieurNuss

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