Critique rédigée en décembre 2019


Une nuit par an, en plein coeur de Londres, le groupe des Jellicle Cats, chats de gouttière spécialisés dans la danse et l'interprétation, se réunissent pour un bal spectaculaire. Parmi eux, se trouve l'innocente Bombalurina (Taylor Swift), faisant régulièrement l'objet des convoitise des mâles du coin. La doyenne, Lady Deuteronome (Judi Dench), juge celui qui aura les capacités nécessaires pour rentrer au paradis de la Jellicosphère pour se réincarner dans une autre vie. En quête de nourriture, le bedonnant et maladroit Bustopher Jones (James Corden) atterrit dans un puits magique exploité par un groupe de chats malfaisant pour capturer chaque membre du Jellicle un par un pour accroître leur chance d'être élus...


Tom Hooper, sept ans après sa grandiloquente adaptation des Misérables de Hugo, réitère sa bourde avec une très hétérogène adaptation plan par plan de la célèbre comédie musicale londonienne Cats d'Andrew Lloyd Webber.
Gigantesque four commercial et critique, nous avons affaire à un film maudit en puissance, à tel point que Universal a daigné une nouvelle version du film destinées aux salles obscures, aux effets visuels intégralement retouchés ; une première dans l'histoire du cinéma américain pour une post-sortie.


Eh bien tout en acquiesçant les mauvais échos, tout abolissant les retours critiques les plus froids et radicaux, je confirme que cet "événement cinéma de fin d'année" est une bien belle déception.
Sans doute en attendons-nous de trop de la part d'Hopper dans un premier temps, moi bon public des musicals de la première heure en particulier, mais la bande-annonce a su mettre la puce à l'oreille aux détracteurs: la sauce ne prend pas, offrant donc un divertissement en demi-teinte relativement plaisant mais concluant cette décennie cinématographique sous le signe de la défaite !


Tom Hooper s'est plutôt bien gouré dans cette adaptation étouffante et bourrée de temps morts ne dégageant rien de pertinent par rapport à son modèle (comédie musicale de tous les records).
Premièrement, à aucun moment le film ne nous accorde un répit, le nombre de minutes "parlées" se comptent sur les doigts d'une main et par conséquent le spectateur n'a le temps de savourer chaque séquence musicale, par conséquent le tout paraît hyper longuet.
Les tours de chant sont globalement fadement réinterprétés et amenés très maladroitement. Si les chorégraphies en mettent plein la vue, toutes ces scènes s'empilent les unes sur les autres et à peine une once de scénario n'arrive à se déployer et sans mauvais jeu de mot, sait à peine sur quel pied danser.
Finalement seule la reprise finale de Memory réussit à faire mouche. Le reste se contente que de recopier sommairement la comédie musicale d'A.L. Webber sans vraiment innover son univers, les décors restant généralement très restreints et peu exploités tout simplement car pas exploitables. On aurait pu penser à assister à une réhabilitation de différents mythes autour des chats de gouttière, métaphore de la misère humaine qui aurait permis au film de s'affranchir du genre musical pour devenir une forme sous-jacente de misérabilisme... Perdu, le film oscille pendant 110 minutes entre le conte familial animalier et le discours à portée sociale pompeux n'exploitant jamais ses idées jusqu'au bout, rendant le message final obscur en terme de destinataire.


Au niveau des personnages, hormis l'adorable Bombalurina campée par Taylor Swift et les chats-jumeaux interprétés par The Twins apparaissant furtivement dans le premier quart d'heure, aucun ne fait mouche ou ne ressort un design particulièrement beau à cause de l'usage abondent d'effets numériques sur les visages entre autres de Judi Dench et Ian McKellen. Effectivement, l'une fait davantage penser au lion tandis que l'autre fait clochard, rien de plus. Quant au chat Bustopher Jones, les plus observateurs auront remarqué que son design est recopié de façon flagrante sur le personnage de Mike Myers dans Le Chat Chapeauté, dont on retrouve l'atmosphère grotesque voire déjantée.
Quant aux antagonistes, ils sont assez peu engageants et nullement charismatiques, non seulement parce que physiquement ils transpirent le numérique jusqu'à plus soif, mais en plus parce qu'ils se distinguent assez peu des autres chats tant leurs fins ont été rendues confuses par l'abondance de chant.


Fort heureusement, l'ambiance générale est très bonne, on a facilement le sourire au lèvre au cours des pitreries félines des comédiens de renommée mondiale que sont Judi Dench, Idris Elba, Jennifer Hudson ou encore Ian McKellen, très plaisants au même titre que l'univers bien que très peu approfondis. Nous noterons également quelques belles images où le numérique rend bien sur les décors de fond.


Les plus exigeants d'entre nous ne pourront nier la satisfaction de voir un pari filmique qui, à défaut d'avoir atteint sa cible, s'est risqué de débouler sur le grand écran sous peine de n'en tirer qu'une adaptation sommaire, agréable, mais qui n'a su réadapter son modèle particulièrement à cause d'un rythme irrégulier le faisant perpétuer plutôt mal.

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le 18 déc. 2020

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