Imaginez la vie d’un jeune Irlandais fraîchement débarqué aux Etats-Unis au croisement du siècle, bien dégénéré comme il faut, avec un petit quelque chose en plus d’arriéré mental qui parachève superbement le portrait. Imaginez ce type serveur incompétent à West Point, puis, diverses péripéties aidant, se retrouvant un peu comme une sorte de moniteur de gym pour la formation des cadets, futurs officiers d’élites et le tout pendant une petite cinquantaine d’année…

Voilà en résumé un des biopics les plus improbables possibles, puisqu’il se concentre sur la vie d’un pécore lambda qui ne connaîtra jamais les grands événements de son temps que de très loin, par élèves interposés…

Soyons honnêtes, racontée par n’importe qui d’autres, cette histoire avait bien des chances d’être assez vite insupportable, enfin, pour ceux qui n’ont aucun orgasme particulier à passer leur temps à regarder des défilés militaires, bien sûr…

Mais ici, comme toujours, Ford donne la preuve de son immense savoir-faire en rendant parfois presque touchante une histoire qui, à la base, nous en secouait une sans réveiller l’autre. Pour ses premiers essais en Cinémascope, procédé qui n’avait guère son approbation (“I hated it. You've never seen a painter use that kind of composition - even the great murals, it still wasn't this huge tennis court. Your eyes pop back and forth, and it's very difficult to get a close-up.”), Le bougre s’en sort plutôt très bien. Bien servi en outre par un Technicolor idéal pour combler les froids après-midis d’automne, notre borgne préféré parvient tout de même à proposer une fresque en mode mineur non dénuée de charme.

En héros n’ayant pas inventé la poudre, Tyrone Power se débrouille plutôt bien, accent à couper au couteau en prime, il est bien aidé par quelques vieux briscards comme le toujours parfait Ward Bond en mentor malicieux ou encore Donald Crisp en paternel bougon presque aussi dégénéré que son fils… Pour le reste, le casting de cadets pique un peu les yeux ; on retrouve Harry Carey Jr. en Eisenhower, le fils de John Wayne promène son absence de charisme par là aussi et un Peter Graves sans cheveux blancs joue la teigne de service… Les rares poules sont assez disgracieuses, avec une mention particulière pour Maureen O’Hara dont le regard bovin n’arrive pas à effacer complètement tout ce que son visage peut avoir de chevalin…

Raconter pendant deux heures vingt un demi-siècle de la vie d’un prof de gym attardé, et réussir à nous intéresser à cette histoire, voilà une gageure peu banale que seul le génie Fordien pouvait soutenir sans trop de heurts, avec sa modestie habituelle et l'absence de grandiloquence qui convient. A réserver néanmoins à ses admirateurs les plus convaincus.

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le 27 sept. 2012

Modifiée

le 28 sept. 2012

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Torpenn

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